samedi 23 février 2013

Qu'est qu'on t'a fait école de la république ????


Je ne veux pas énerver ma copine Marie, mais là je vais encore être obligée de taper sur les profs. Je sais c’est pas cool. Mais là je suis tout de même un peu dirons nous en questionnement ??? De qui se moque-t-on ? Et aussi mettre ses enfant dans le public, c’est bien croire, encore un peu à ce que pierrot de lune appelait des trémolos dans la voix « l’égalité des chances ».
Je trouve un mot dans le cahier de la lutine, pour expliquer un zéro pointé en maths.
La lutine n’a pas respecté la règle. Je l’ai réprimandée et elle m’a répondu. Zéro donc. Voilà la règle : devoir de maths en troisième. La prof prévient vous pouvez vous faire une anti-sèche de la taille d’un post-it. Soit. Chez nous la taille des post-it est la taille moyenne et pas le micro bout de papier 4 par 3 sur lequel on ne peut rien noter. La lutine a utilisé ceux que nous avions et elle y a recopié deux trois formules, la même chose que la plupart de ses camarades qui ont écrit tout petit sur douze centimètres carrés. Quand la prof passe entre les rangs, elle voit le gros post it de la lutine le saisit et le déchire. Taille non règlementaire. La lutine qui ne se démonte pas malheureusement facilement rétorque que c’est injuste puisqu’elle avait noté les mêmes choses que sa voisine mais en plus gros. Elle ose dire (je sais c’est une sale gosse) que c’est injuste et que puisque c’est ça elle arrête, puisqu’elle n’a plus ses formules. La prof lui arrache la copie aussitôt et met le zéro illico. Je ne défends pas l’insolence de ma fille, ni son envie d’avoir toujours raison et je n’étais pas dans la classe. Mais je m’interroge sur le bien fondé d’encourager les élèves à venir en cours avec des pompes. Ca rime à quoi une interro maintenant si n a toutes les formules sous la main ? CA doit être une forme de pédagogie que je ne connaissais pas…
On continue dans la pédagogie de l’inconnu avec la même prof de maths.
Jeudi soir devoir écrit à faire à la maison. Il porte sur la suite de Fibonacci. Tu connais pas ? T’es naze où quoi ??? Moi, va pieds nus 50 ans passés c’est la première fois de ma vie que j’entends parler de ce type.
Bon ça commence par deux exercices avec des suites de nombres pour lesquels il faut trouver la logique qu’ils suivent et continuer cette suite, puis démontrer cette logique. Chaque exercice comporte deux questions, la première est précédée d’une étoile et la seconde de deux. En bas de la page son reportées les étoiles de la manière suivante :
*Ticki, Maroi, Oihana-Itza, Peyo, Lola, Juliette vous répondrez à cette question
** Les autres vous pouvez répondre à cette question aussi
En gros et ouvertement la question 1 est pour les cancres et la deux est pour les autres, ou « comment mettre le doigt nommément sur les différences de niveau entre les élèves » .
Ce genre de commentaire est-il bien utile ?
Ma fille est une bille en maths et elle le sait, elle n’a pas besoin que ce soit validé par ce genre de phrases…

C’et d’autant plus vexant que n’étant pas mauvaise en maths moi-même, j’ai bien été incapable de répondre aux questions à deux étoiles….
Jamais en troisième je n’ai eu à faire ce genre d’exercice.

La suite du devoir maison est ce qui m’a le plus agacée. Je dirai scandalisée.
Elle commence ainsi :
Pour cette partie vous devrez faire une recherche Internet, les copié-collé Wikipédia sont interdits, vous présenterez le résultat de votre travail soit sur papier (encore heureux) soit sur clef USB, soit par mail, de telle manière que les résultats puissent être repris par la suite au format power point.
Suivent les questions sur qui est Fibonacci, sa vie, son œuvre, et le nombre d’or c’est quoi, et on le trouve où, illustrez ( là bien sûr pour les heureux détenteur d’ordi un copié collé des illustrations suffira, les autres pauvres crétins n’ont qu’à prendre leur crayon et dessiner le Parthénon ou le nautile à main levée…).

Dans notre famille, nous avons ordi, clé USB, mail et tout le toutim d’internet. Mais bordel c’est quoi ce bordel ?
Pour moi il était hors de question que le devoir soit fait sur autre chose que sur papier et au stylo.
Je suis restée avec la lutine pour chercher un peu plus loin que Wikipedia et trouver des sites un eu plus « scientifiques ». Sauf que le plus facile à comprendre était tout de même Wikipédia. Nous avons fait une recherche poussée et complète. Nous avons fait un dossier sans copié collé. La lutine a rendu une copie avec des illustrations au crayon qu’elle s’est éclatée à faire. Elle y a passé presque 4 heures, contrairement à ceux qui auront fait en deux clics de souris des imports de Boticelli ou de Vinci.

Il semble que le niveau troisième ait largement évolué depuis les années 70…. Je me souviens d’avoir eu des exercices basiques à faire, des leçons et des définitions à étudier, mais des dossiers documentaires, jamais.
Moi-même, mais juste parce que j’étais une sale bûcheuse future étudiante en documentation, je passais dès la sixième des heures à chercher des documents et des illustrations dans les dictionnaires et encyclopédies de la maison, pour illustrer les leçons d’histoire ou de science. Mais jamais à la demande d’un prof. J’en faisais trop mais c’était ma volonté.

Comment cette prof peut-elle être déconnectée d’une réalité qui place son collège dans l’un des quartiers les plus populaires de Bordeaux, avec une population de roumains, de turcs, de togolais, majoritaire. Est-elle certaine cette c… que tous les enfants ont un ordi chez eux, une clef USB, une connexion Internet, un parent qui les aidera à trouver et à comprendre autre chose que Wikipedia ?
Pierrot tu connaissais l’inégalité et la malchance, tu la connaissais puisque tu venais d’une modeste famille et que si tu es devenu Pierrot de la Lune c’est grâce à ceux qui ont su porter ton intelligence et l’accompagner pour qu’elle s’épanouisse. Tu pleurerais Pierrot je pense de voir ce que l’on fait du savoir et de l’école parfois aujourd’hui.
Pardon Marie….



vendredi 22 février 2013

Les tdc dans tous leurs états et moi et moi et moi...


Clouée dans à mon canapé jaune. Tension basse. Trop basse. Moral en dent de scie. Il va falloir s’accrocher pour faire remonter tout ça.
La lutine me donne la main. Elle babille sans cesse, raconte ses révoltes de collégienne, ses envies de comédie et de pièces de théâtre, ses soucis de cheveux, de couleur de jean ou de sac. Dans quelques semaines nous verrons un psy ensemble pour elle. Pour qu’elle comprenne que 43 kilos pour 1mètre 60 rapproche plus de la maigreur que de l’obésité, qu’un petit bouton sur la lèvre ne tourne pas automatiquement en cancer, et qu’on ne meurt pas de règles irrégulières à 15 ans. Ses comportements décalés me font rire, mais ils sont vraiment décalés. Elle déclame, photographie, dessine, filme, et c’est ça sa vie. Je crois en elle pour ça.
La gazelle, elle, mène sa vie à sa guise. Elle vient d démissionner de son boulot, après s’être fait traiter d’imbécile par son patron et quelques autres petites insultes. Fidèle à son caractère impulsif, elle a claqué la porte. Elle a heureusement autre chose en ligne de mire, et garde ses boulots de serveuses en extra dans deux restaus. Elle semble optimiste et pleine de projets. Cette fille s’en sortira grâce à sa hargne et sûrement aussi sa jolie gueule !
Avec le nounours tout est plus compliqué que jamais. Notre relation a atteint le point de rupture depuis longtemps. Plus rien n’a de prise sur lui de ma part. A la crise d’adolescence il faut ajouter la crise identitaire, et le cocktail des deux est explosif. Chambre fermée à double tour, rap en boucle et son à fond, odeurs de fumettes passant sous la porte…. Quand il sort l’agressivité est dans l’air. Insultes à sa sœur, regards noirs, gestes violents, disputes…. Mais tentatives de réconciliation ne servent à rien. Demain, aura 18 ans. Il croit peut-être que cela lui donne des droits supplémentaires chez nous. La pression se fait insupportable. Le « Ta gueule » qu’il m’a répondu samedi dernier résonne encore dans ma tête. Son incursion dans ma chambre pour me dire maintenant je serai arrogant aussi. Hier il a osé après tout ça me demander 400 euros pour fêter son anniversaire. Et face à mon refus, il me jette à la figure la preuve que je n’ai aucun amour pour lui. J’ai décidé et c’est douloureux que ce jour de ses 18 ans il n’aurait ni fête ni cadeau. Je ne peux pas. Je n’ai pas envie de lui faire plaisir. Il ne peut pas installer ce climat et s’en tirer sans problème ni sanctions.
La solution serait sûrement une aide extérieure. Une séparation. Une rupture temporaire entre nous. Mais ça n’a pas marché l’été dernier. Pendant un mois j’ai été soulagée par un éloignement et rassurée de le savoir entourée par la famille. Mais ce fût trop court. Tout le bénéfice de cette période s’est envolé dès qu’il a retrouvé contact avec ses potes. Je suis inquiète pour lui. Je suis surtout démunie, sans idées nouvelles, sans véritable aide. J’ai bien sûr sollicité l’aide de services sociaux, depuis des mois et des mois, mais la lenteur, le manque de moyens, rend tout cela totalement inefficace. L’éducatrice a passé le dossier à une assistante sociale, qui l’a transmis à une autre depuis notre déménagement. J’ai appelé les deux hier, les deux étaient en réunion. L’une ne m’a pas rappelée, l’autre m’a appelée pour me dire qu’elle partait en stage et qu’elle s’occupait de mon cas la semaine prochaine. En attendant j’attends. Je gère le stress, les angoisses, les coups de colère.
Au fond de mon canapé jaune,  ma tension baisse, puis remonte, mon moral baisse puis remonte. Lundi je repartirai bosser finalement ça ne change rien aux problèmes.

jeudi 21 février 2013

Se souvenir des belles choses....


Manique comme je l’ai dit plusieurs fois, avait toujours peur qu’il arrive malheur à ses enfants. Elle était un peu trouillarde. Elle voulait nous protéger de tout. Elle croyait nous aider en nous parlant toujours des dangers que nous courions. Et il y avait un danger principal pour elle c’était de nous laisser traverser une route seul. Nous ne le faisions jamais et le jour où elle nous a autorisés à aller à la boulangerie seuls, fut à marquer d’une pierre rouge ou blanche.
Bien sûr la boulangère nous connaissait très bien puisqu’elle nous connaissait depuis que nous étions bébés. Moi elle m’appelait sylvinou, c’est là seule personne qui m’ait donné un surnom, parce qu’à la différence de carotte et lolotche, mon prénom était trop court pour être raccourci avec un surnom. Alors j’étais très fière qu’elle au moins ait trouvé un moyen de me surnommer en rallongeant mon prénom. Il m’est arrivé deux ou trois fois dans ma vie que quelqu’un m’appelle Sylvinou, et chaque fois je pense à la boulangère de mon enfance avec tendresse.
Il y a des personnes que tu croises souvent quand tu es enfant, que tu vois tous les jours, et tu ne te demandes pas si tu les aimes ou pas, elles sont là. Et puis, un jour quand tu es plus grand, quelque chose te refait penser à elles et tu te rends compte que tu les aimais bien et qu’elles t’aimaient bien. Et les souvenirs ressurgissent du lointain.
Quand j’entends Sylvinou, je revois une photo de moi, assise dans le jardin de la boulangerie, je dois avoir deux ans et je crois que j’ai une petite robe blanche.  En  farfouillant dans le coffret en bois où Mamamia mettait les photos on la retrouverait peut-être….
Quand j’entends Sylvinou, je repense au fils de la boulangère que je trouvais si beau…. Mais qui était beaucoup plus vieux que moi. Et puis je repense à la jolie jeune fille qui un jour avait fait son apparition derrière le comptoir de la boulagerie. Elle était très jolie et très très jeune. C’était la fiancée du fils de la boulangère, ils allaient se marier et elle allait bientôt avoir un bébé. Elle avait de jolis cheveux raides comme j’aurais voulu en avoir, et de grands yeux ronds que je trouvais très beaux. Je trouvais qu’ils allaient très bien ensemble car ils étaient beaux et jeunes tous les deux. Quand j’étais adolescente j’allais encore tous les jours chercher le pain, et elle elle ne devait pas être sortie de l’adolescence depuis très longtemps. Alors, on bavardait un peu, et j’étais fière de lui parler comme à une grande sœur, même si elle ne s’en doutait pas.
Quand j’entends Sylvinou, je revois LE BOULANGER. Il ne sortait que très rarement du fournil. Je le revois avec son marcel tout blanc, son pantalon tout blanc aussi et lui aussi était toujours tout blanc de farine. Il n’était pas très bavard et me faisait un peu peur.
Quand j’entends Sylvinou, je pense à la baguette sur plaque bien blanche que Mamamia nous recommandait d’acheter, aux choux à la crème du dimanche, aux esquimaux à la fraise de l’été, et aux poches de bonbecks.
Quand j’entends Sylvinou, repense à une petite plaisanterie que nous faisions avec la jeune boulangère quand nous achetions des croissants. Un jour elle nous avait raconté que certaines personnes n’arrivaient pas à dire correctement « trois croissants ». pourtant ça ne nous apraissait pas très compliqué. Alors nous avions passé un grand moment de fou-rire à chercher des façons de dire trois croissants en se trompant : ta cassant, tro crossants, tois coissants… Et comme elle était à peine plus âgée que carotte et moi, elle s’amusait autant que nous.
Quand j’entends Sylvinou, je repense à un jour où très préssés d’aller acheter des bonbecks avec le meilleur pote de carotte, juan-lucas, nous avions pris un raccourci par en passant par le terrain de la forge et nous courrions tellement vite que juan-lucas a oublié de baisser la tête pour passer sous le barbelé de la cloture, et pof le barbelé s’est planté dans sa lèvre et la lui a déchirée. Je suis sûre qu’il a encore la cicatrice. Bien sûr à la suite de cet incident, Mamamia ne voulait plus que nous passions par la forge, mais nous le faisions quand même en prenant soin qu’elle ne nous voit pas de sa fenêtre.
Puis, quand nous avions 14 ou 15 ans, l’été, nous profitions de nos expéditions à la boulangerie pour bien longer la route qui passe le long du fronton et regarder qui jouait à la pala. Souvent des jeunes de notre âge passaient la matinée à taper dans une balle. C’était souvent des jeunes qui étaient en vacances dans le village. Alors Carotte, lolotche et moi nous passions en « faisant nos belles », bien contentes de devoir aller à la boulangerie et même parfois d’avoir oublié un pain, ou de la farine et de devoir repartir.
Toutes ces personnes que tu vois souvent pendant ton enfance, je suis certaine que toi aussi, quand tu penses à elles, des tas de souvenirs te reviennent. Et beaucoup d’émotion parce qu’ils sont toujours là dans un petit coin de ton cœur, il suffit de fouiller un peu et c'est là.

mardi 19 février 2013

Cafardage

 Il y a des journées qu’on voudrait gommer. Des journées longues comme des années.
Hier c’était comme ça. Levée à l’heure habituelle pour aller travailler. Des étudiants m’attendaient pour un cours. Trois heures à assurer. Mais ça n’allait pas. Nausée, mal de tête, et plus qui se raconte pas. En tout cas après moults tergiversations, j’ai fini par comprendre que donner un cours de trois heures en étant obligée de quitter la salle toutes les dix minutes pour aller au petit coin, ça n’est sérieusement pas faisable.
J’ai donc filé dans ma chambre et me suis remise sous la couette.
Mais pas pour me reposer. J’ai passé la journée à psychoter, comme rarement je l’ai fait.
Un coup je pensais à ces étudiants que j’avais plantés. Un coup je pensais à ce qui se passe avec le nounours et qui devient invivable, et je me reprochais de ne pas avoir de solution. Un coup je pensais au fric, je suis toujours hantée par la peur de la rechute. Je vois bien que j’ai du mal à m’organiser et que je dois me forcer à suivre des règles. Un coup je pensais à mon futur, et peut-être au manque que je vais connaitre de n’avoir pas voulu reconstruire une vie à deux. Je doutais de tout.
J’aurais voulu avoir la tête vide. J’aurais voulu avoir des projets auxquels me raccrocher. C’était une vraie torture. J’aurais  voulu savoir que mes enfants sont heureux et qu’ils vont s’en sortir. J’aurais voulu que tout soit léger dans ma vie.
Mais hier un sale  cafard bouffait mon cerveau. Il faut arriver à passer ces jours là. A se dire que demain va venir. Meilleur. On voudrait avoir inventé la machine à accélérer les heures.
Aujourd’hui, je n’ai pas laissé aux pensées le temps de venir. Je me suis levée et j’ai parlé toute seule. Comme une dingo. Je me suis engueulée, je me suis boostée pour me dire que  j’allais retrouver la forme et le moral.
Voilà, c’est tout je voulais l’écrire pour mieux y croire.

vendredi 8 février 2013

INVITATION


J’ai reçu une invitation.
Une invitation surprise. Une invitation qui remue tout dedans. Elle me ravit, m’attriste, m’effraie tout à la fois. Elle répond à une envie qui dort depuis longtemps au fond de moi. Je crois que je n’y répondrai pas.
Quand il y a deux, trois ans, nous avons eu, mes sœurs, mon frère et moi le bonheur de voir les textes de notre père édités, nous avons su que ce pour quoi il avait vécu, se réalisait. Quelque part, je ne sais où, son étoile s’illuminait un peu plus. Sa mémoire entrait dans une sorte d’éternité, puisque ses mots allaient traverser les générations futures. Un enfant, un petit enfant, entrerait un jour dans une bibliothèque, et ouvrirait un de ses livres. Et peut-être il serait touché, et peut-être il l’aimerait.
Quand il y a deux, trois ans, ce projet est né, l’initiateur demanda à quelques personnes de parler de Pierrot de la Lune comme ils l’avaient connu. J’ai proposé mes mots. Pour parler d’un père exceptionnel. A côté d’un maire, d’un député, d’un journaliste, j’avais envie d’être les yeux d’un enfant.  
Le livre est dans ma bibliothèque. Il est dans celle de mes sœurs, de mon frère et de quelques personnes qui ont aimé Pierrot de la lune. La lutine ne rate pas une occasion de le faire connaîte à ses professeurs et à ses amis. On l’offre aux jeunes mariés, aux nouveaux arrivants de notre petit coin de Landes. Je ne sais si on le lit. C’est le sort de la confidentialité de la littérature régionale. Mais le seul but de l’écriture est de faire plaisir à celui à qui on l’offre.
Cette semaine, l’artisan du projet m’a appelé pour me parler de ce qu’il fait maintenant. Il n’oublie pas Pierrot dans sa lune. Ila  envie de parler de lui encore. De le faire parler. Alors il sera présent dans sa prochaine publication.
Mais ce qu’il me propose c’est de m’y associer en ajoutant le petit texte que j’avais offert pour Pierrot de la Lune.  Ca me plait bien d’être là tout à côté de mon père. Encore une fois. Ca me fait du bien. L’éditeur me propose de m’envoyer son projet, tout du moins les quelques pages qui concernent Pierrot. Le mail arrive. Je suis au bureau. Un texte de Pierrot, mon texte, et aussi un petit mot de l’éditeur.
PIERROT DE LA LUNE
 Enseigner et parler. Ecrire et lire. Partager et donner. Rire et pleurer. Regarder et écouter.
Pierre. Pierrot. Mon père. Papa. Mon pierrot de la lune envolé à jamais dans les brumes matinales
du marais….
Etre l’enfant de l’instit, du poète, du journaliste, du militant de l’homme multiple. Du père
unique. Enfant je n’aimais pas ça. Je ne savais pas que c’était un cadeau. Précieux. Je trouvais
la charge difficile à porter. Enfant on ne sait pas. On grandit à l’ombre d’un homme sans
savoir qu’il nous construit. Instruire c’est construire… Un jour, on a envie de dire merci de
m’avoir faite ce que je suis. Donné tout ce que tu étais. Fragile mais si forte. Passionnée mais
si douloureuse. Différente mais si fière.
Je te revois petit homme mal fagoté….
Je sens l’odeur de la craie écrasée dans tes poches, je sens le stencil de ta machine sur le
bout de tes doigts, je sens le papier et dans la maison, les livres étalés partout dans ton
bureau, des aiguilles de pin brûlantes l’été sur lesquelles tu nous faisais marcher pour aller à la
pointe et ne pas pouvoir se baigner, je t’entends me dire : « Tu comprends Sylvie ? », en levant
l’index devant tes yeux bleus délavés.
Voir, sentir, entendre. Et comprendre… « Tu comprends », c’était Sa phrase. C’était ce qu’il
voulait, faire « comprendre ». C’était tout ce que ses mots, ses textes, nous suggéraient : « Tu
comprends, ma dune, ma douleur, mon enfance, mes leçons ?
Tu comprends, il était l’instit et le pédagogue, le conteur et le raconteur. Pierre, Pierrot, mon
père, Papa, Mon pierrot de la lune nous t’avons lu et nous te comprenons.
S.G.

Quel bonheur ! Avoir ce talent pour écrire 15 lignes d’une telle intensité sur son père. Page 160
du livre “Histoires de l’ami Pierrot”, Sylvie a emprunté la plume de Pierrot, son père et jeté ces
mots bout à bout... Tu comprends ? Pourquoi Sylvie, du vivant de ton père, ne lui as-tu pas
offert ce papier ? Pas le temps, le moment, le recul ? Porté sur son coeur, il l’aurait montré à
certains. Fier. “Regarde, c’est ma fille, Sylvie”. Et le concours de nouvelles du Salon du livre
d’Hossegor se serait glorifié de ce duo de Sylvie et Pierrot, de fille à père, de partages, de rires,
de pleurs, de mots, de poésie.
Sylvie reprend la plume, viens t’asseoir sur la dune, sur le tuc au marais, dans une barque du
lac d’Yrieu, Pierrot n’a pas tout dit.

Je n’ai pas compris tout de suite ce que disait le texte d’accompagnement. Les larmes ont coulé à cette question : « pourquoi ne lui as-tu pas offert ce papier de son vivant ? ». Mais on ne refait pas la vie. Des mots ierot et moi nous en avons tant échangé. Des lettres j’en ai écrit encore et encore pour lui dire l’amour, l’admiration, et essayer de le sauver de son mal.  Il les a lues. Toutes certainement. Mais elles n’ont servi à rien.
L’invitation, celle qui me demande de reprendre la plume de Pierrot est touchante. Mais, je ne suis pas lui. Je n’ai ni l’envie, ni le talent, ni le savoir pour prendre sa suite. Je n’ai pas non plus le droit de me faire le porte-parole des enfants de Pierrot. Je le trahirais je les trahirais. Je ne suis pas seule propriétaire de la mémoire de mon père. Je pourrais raconter des tas de choses sur ma vie, mon enfance avec lui, mais ce serait moi et pas lui. Et crois que ce n’est pas ce que l’on me demande.
J’ai longtemps cherché aux côtés de Pierrot une sorte de « appréciation » de ce que j’écrivais. Il savait que j’écrivais. Mais il regardait mes écrits sous la torture de Mamamia qui lui disait regarde si c’est beau. Il lisait. Du bout des yeux. Je faisais celle qui n’attendait rien. Je restais loin. Puis il ne disait rien, ou un petit c’est bien. Comme l’instit qui met une appréciation dans la marge d’une rédaction. J’ai attendu longtemps, très longtemps, toujours, des mots qui ne vinrent jamais. Je voulais cette reconnaissance que je n’ai jamais eu et qui ne viendra jamais. De lui. Elle reste comme un point d’interrogation sur ce que je suis, ce que je vaux. Jamais je ne saurais.