lundi 29 mars 2010

Je n’aime pas quand on finit un chantier. Enfin, j’aime et j’aime pas. J’aime pas penser qu’on a passé des mois à retirer du sol tous ces petits morceaux d’histoires qui y dormaient depuis des centaines d’années, qu’on les a gratté, brossé, extrait avec outils si fins pour ne pas les abîmer… Et qu’on n’a pas eu assez de temps pour finir et que quoi qu’il arrive, depuis ce matin, tout va être ravagé par les roues et les dents des tractos et des camions, et que ce qui reste sera broyé. Sans autre forme de procès.

J’ aime passer à autre chose, que l’équipe qui a vécu comme une famille pendant des semaines entières, va exploser en vol, pour que chacun aille former une autre équipe qui explosera dans quelques mois, quelques semaines.

J’aime pas me dire qu’après 100 matins à partager notre jus d’orange notre café avec ou sans sucre, à la même petite table la cuisine si moche, et 100 soirs à sortir cheveux mouillés de la salle de bains glaciale, 100 soirées à bouquiner pendant qu’un regarde la télé, l’autre bosse, et l’autre téléphone à sa chérie et ses enfants, certains disent au revoir comme si on n’avait rien partagé. Par pudeur peut-être. Ne pas montrer….

Il faut dire que ces dernières semaines au gîte l’ambiance était particulièrement couillue. Seule représentante du sexe féminin, face à trois parfois quatre bonhommes loin de leur « chez moi, ma femme, mon fils, ma moto, ma bagnole, ma cave à vin ». Les observer tous ensemble, fut à la fois très amusant mais très pénible parfois. Regarder l’un reproduire immuablement soir après soir les mêmes actions à la minute près. « Je rentre dans mon, gîte, j’enfile ma paire de pantoufles en velours bleu, et je file à la douche sans jamais une seule fois demander si quelqu’un a envie de passer avant, je passe juste 5 minutes max sous l’eau, normal je suis « l’homme qui fouille sans se salir sans transpirer et sans abîmer ma coiffure », puis je sors plus propre que nickel, et je m’installe dans le canapé avec MA bière, MON paquet de bretzels, et je mets chapeau melon et bottes de cuirs sur Arte. Après je vais faire chauffer MON cassoulet quand c’est lundi, mon coq au vin quand c’est mardi, mes cannelonis quand c’est mercredi. Immanquablement dès que j’ai posé mes couverts sur mon petit set de table et pris la première fourchétée de mon repas, l’espèce de cigale polyphonique de mon vieux Nokia indestrectible se met à retentir. C’est fiston toutounet qui m’appelle avant d’aller se coucher. Pendant ce temps pour les autres impossible de regarder quoi que ce soit à la télé tout le temps de la communication, car tout se brouille et le pixel se fait farceur. Le reste de la « gitée » en profite pour se foutre de ma gueule de père tranquille accroché à ses habitudes, mais je m’en fous car c’est moi le plus heureux. Même si j’ai mangé froid tous les soirs.

Grantéchala lui ne se douche pas nécessairement tous les soirs, il n’a pas de pantoufles, d’ailleurs je l’ai toujours vu en basket. Il doit dormir avec. Mais il a aussi ses habitudes. Lui ne boit pas une mais deux bières, en grignotant des fraises tagada, des nounours ou des kitkat. D’ailleurs côté dents chez Grantéchala c’est pas top top. Lui son truc c’est shériff fais moi peur, sur W9. Il n’a pas d’heure de repas puisqu’il est bourré de sucre à donf, et qu’il peut tenir au moins jusqu’à dix heures à rentrer et sortir fumer sa clope, téléphoner, commenter ce qu’il voit à la télé, il n’a pas non plus d’heure de coucher et il connaît les dialogues de starwars par cœur. Grantéchala est aussi le fils spirituel de MisouMisou le pétomane. Que ce soit sur le terrain, dans le camion, ou dans la cuisine, le festival est non stop no limit. Grantéchala m’a appris un mot : « sac à foutre ». une manière délicate de nommer le petit double menton naissant des femmes un peu rondes. Dont je pense faire partie même s’il ne me l’a jamais dit.

Filpet laron numéro trois, est encore d’une autre trempe. Plus ado attardé Plus t’a voir ta gueule à la récré. Lui a l’avantage de me faire mourir de rire. Lui aussi est biéromane et là ni bretzel, ni fraise tagada, mais un bon fromage fermier au lait cru qui pue. En refaisant le monde. Pas dans le canapé, à table avec le laguiole, sans la douche, avec le sac à dos même pas porté dans sa chambre, juste jeté parterre dans la salle à manger pour la semaine, parce que cool on s'aime tous et on est ensemble. De temps en temps il baisse son poing qu’il a la plupart du temps levé parce que la vie c’est la lutte pour le peuple des opprimés et que j’aime pas la télé ni les macdos. Et que moi la société elle m’aura pas mais que dans le frigo commun, j’ai mis que des trucs estampillés bio, mais que j’arrive pas à les manger tellement qu’ils son bio. Mais c’est cool je suis plus léger, comme la fumée des pétards que je me tape tous les soirs.

Aussi différents qu’ils soient Mister Bretzel-nokia, Granéchala et filpet se rejoignent sur une chose c’est la bite qui leur fait office de cerveau. J’ai supporté la bière, les bretzels, les fraises tagada, le camembert qui pue, chapeau melon et le shériff au son de la lutte finale. J’ai supporté les pets sonores et odorants. Les clefs de voitures qu’il faut tous les soirs poser dans l’entrèe. Les nanani nanana qui remplacent la fin des mots dans toutes les phrases de Filpet. Et plein d’autres choses encore. Mais la bitocéphalite, ça je ne peux pas. Que ce soit à la télé ou dans la rue, si t’es pas jeune et golée comme une princesse, c’est l’échaffaud. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi vieille et moche. Mais je crois que trois mois de plus auraient fini par me saper le moral, juste l’année de mes 50 ans.

Alors à Mister Bretzel, Mister Tagada et Mister Camembert, qui sont bien sûr de vrais appolons, je dédie cette note qu’ils ne liront pas.

samedi 27 mars 2010

On n'est jamais aussi bien que les pieds nus. Libre. Quand je chantais j'enlevais mes chaussures. Va savoir pourquoi... Sur le terrain, en fouille, mettre des chaussures est obligatoire, à bouts coqués en plus, le soir quand tu les enlèves que tu retrouves le contact direct du sol, c'est un petit plaisir juste doux, juste égoîste, une sensation de libération. Quand je suis au bureau et qu'il fait chaud, je me balade partout pieds nus, c'est bon !!!! Et sur le sable au bord de l'océan, et sur un plancher qui chante, et sur une moquette toute douce, et sur une mosaïque fraîche en été, et dans la boue, et sur les galets polis ou les petits cailloux. Les godasses c'est pour le bithume, et pas autrechose.
Je vais pieds-nus partout. Je vais nus pieds. Je suis une va pieds nus, et je crois que je ne suis pas sauvée de mon flirt avec le "va-nu-pieds". Le va-nu-pieds, le précaire, le pauvre, celui qui a tout perdu même ses chaussures, celui qui ne peut même pas s'acheter une paire de godasses, et qui les porte ouvertes à tous les vents, toutes les eaux et les neiges, à tous les jours de chaleur, ficelées, recollées, décollées, celui qui ne les enlève jamais justement. Il me donne la peur au ventre. Je le regarde et je me demande quelle est la seconde, la minute ou le jour de sa vie où tout est devenu irrémédiable. Il me donne les larmes quand moi avec mes chaussures, ma voiture, mon travail, ma maison, je n'ai aucun centime d'euro à mettre dans sa main, parce que moi non plus je ne les ai pas. Parce que je sais que la pièce que je lui donne, je la chercherai désespérément à la fin du mois pour aller m'acheter un peu de fromage. Mais quand on est au début du mois et que je sors de la poste avec mes alloc caf, je lui tends 10 euros parce que je ne pourrai pas ne pas partager.
J'aime me dire que je suis une va-pieds-nus, parce ça me donne du soleil dans la tête. Va-pieds-nu c'est moi, qui marche le long de la vague qui meurt sur le sable, sur ma plage d'hossegor. Et ça juste d'y penser je vais mieux, je vais bien, et je peux arrêter de pleurer, et rire de ma vie.
AVANT J'ETAIS là-bas, puis je n'ai plus pu raconter, longtemps. Trop longtemps. Je suis toujours méli-mélo, mais tellement une autre qu'il faut que je change de page. Que j'essaie.
Bonjour à ceux qui me retrouvent et aux autres à qui ces lignes ne parleront pas. Mais ici je vais parler de nouveau.