dimanche 23 mai 2010

le pisse copie poéte

Pierrot de la lune va être publié. Je suis heureuse pour lui, heureuse pour mamamia. Heureuse pour moi, pour sœur courage et sœur fâchée, pour frérot et mes tdc et leurs tdc. Pour ma mamie Laurence si fière de son fils.
Bientôt. Tout est presque prêt. Un admirateur, un ami, un homme qui n’avait pas envie que le poète qu’était Pierrot de la lune tombe dans l’oubli. Que ses mots se noient et se diluent dans l’alcool qui l’a tué. Il avait envie d’être lu, Pierrot de la lune, tellement envie qu’il a essaimé ses textes tous azimuts. Il me les avait confiés un jour. Il m’avait faite, et me connaissait mieux que personne. Il connaissait ma vie. Il se doutait peut-être que je les garderai pour les lire, m’émouvoir de temps en temps, mais ne trouverai jamais le temps et les moyens de les publier. Alors, il en a déposé chez d’autres, pour multiplier les chances. Il avait raison.
Un homme, loyal et honnête a pris la peine de s’adresser aux enfants de Pierrot de la lune avant toute chose. Merci à lui. Nous avons pris le train en marche avec bonheur. Et en toute humilité, il nous associe maintenant aux décisions et actions. Pierrot de la lune ne s’était pas trompé dans son choix le jour où il a remis ces quelques textes à cet homme.
Je redécouvre ces jours-ci, les petits textes de Pierrot de la lune. Ses mots subtils, ses phrases qui sentent les embruns et la résine de pin, ses histoires d’un enfant dans la guerre, ce fond de souffrance qui l’a construit, homme fragile, simple, charismatique à la fois. Sa culture immense, son savoir. Mon admiration pour lui n’a pas changé. Je serai fière le jour où je tiendrai entre mes mains son bouquin. Pas le premier. Ce sera le troisième. Mais le premier qu’il ne verra pas. Que mamamia ne verra pas.
Il sera pour ceux qui ont aimé ses chroniques dans le quotidien régional pendant plus de vingt ans. Pour ses petits enfants aussi ceux qui l’ont connu, peu connu, ou pas du tout. Pour toutes les histoires qu’il n’a pas eu le temps de leur raconter et son pays qu’il n’a pas eu le temps de leur faire aimer. Mais je crois qu’ils l’aiment tout de même. J’espère qu’ils pourront y puiser la force et les racines qu’il nous a transmises à nous ses quatre enfants.
Et tous ceux qui découvriront pierrot de la lune dans le rayon d’une librairie, un petit pisse-copie comme il disait, un inconnu amoureux de sa lande. Pour ceux qui le découvriront et l’aimeront.

Je ne suis pas un jardin à la française

J’avais envie d’un jardin.
J’avais envie de cueillir.
J’avais envie de fraises et de basilic, de capucines et de rhubarbe.
J’avais envie de sieste dans un hamac, envie de bissap frais posé sur une table en mosaïques.
J’avais envie de soirées chaudes sur ma terrasse de ville.
J’avais parlé avec l’ami-amant de jardins en carré, il m’en avait montré. J’en avais envie.
C’était l’hiver et je rêvais d’envies de printemps et d’été.
Mai se termine. Je pense à mes envies. La terrasse est encombrée d’une armoire de récup en attente d’idées de restauration. Elle s’abîme. Elle aura une patine de vieux meuble qui a souffert. Je dois toujours amener le vieux congelo en panne à la décharge, mais je n’ai plus de voiture. Il voisine avec de vieux bols cassés, des tessons antiques, une jolie lampe marocaine qui rouille, du bois, du fer, de la pierre. J’ai mis dans un coin les poubelles de tri, menacée d’amende si je les laissais encore sur le trottoir. Bordeaux ville classée qui interdit les poubelles sous peine d’amende mais ne se soucie pas de toutes les merdes de chiens qui jonchent le trottoir.
Dans le jardin le rosier ploie sous ses fleurs jaunes. Il croise et se mêle aux branches de l’aubépinier et à ses fleurs blanches. Les pétales tombent sur le banc de pierre, et envahissent la nappe qui cache la table jaune des ravages du temps. Les pierres du sol disparaissent sous les plantes sauvages. La menthe a repousse dans le vieux tiroir de bois transformé en bac à fleurs. Elle se fait sauvage. Les balsamines et la chélidoine prolifèrent. Ca tombe bien je vais pouvoir traiter mes verrues avec le suc. Les vieilles feuilles de l’automne passé font un tapis sous la verdure.
Finalement j’aime cet endroit qui ne ressemble à rien, sauf à moi. Je ne suis pas un jardin à la française. Ma vie n’a rien en commun avec ces arbustes taillés où aucune feuille ne dépasse. Elle et faite de branches folles et qui s’emmêlent. Les fleurs surgissent, puis fânent et d’autres viennent. Hier j’étais joyeuse, puis j’ai pleuré, ce matin je traîne en pagne prête pour une journée cocooning à l’ombre, puis on sonne. Deux amies qui m’ont écoutée pleurer hier soir au téléphone, viennent me chercher pour un restau. J’ai une heure pour tomber le pagne, m’habiller et me coiffer un peu. Comme dans le jardin, les petits bonheurs poussent dans ma vie. Surprenant, désordonnés, imprévus et je les laisse venir à moi. Ma gazelle me manque. Son silence pèse lourd et il s’installe comme une douleur sourde au fond de mon cœur.

dimanche 16 mai 2010

L'Art majuscule et la poésie minuscule

COURAGE C'EST TRES TRES LONG...


Je narrais dans mon dernier post cette passionnante et non moins rebondissante dizaine d’années de vie commune, partagée avec mon Espace Turbo D, aussi nommé la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes… Et au détour d’une ligne, vous lûtes si vous fûtes allés jusqu’au bout de l’histoire, qu’elle passa (la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes) quelques heures hospitalisée dans le petit garage de la petite rue où j’habite aujourd’hui. Un garage avec un garagiste. Et un garagiste avec un employé aussi appelé si je ne me méprends point mécano.

Petit portrait :
Ici ça sentait le cambouis à plein nez, c’était bruyant assourdissant, et peint en blanc et bleu genre la Grèce, ses îles, Myconos et tout, sauf que là, on ne passait pas ses vacances. Sauf qu’aussi le-the garagiste, c’était un bonhomme avec une grande gueule et un prénom que je n’ai pas pu retenir, même là à la minute, je le cherche encore, ça va me revenir… Il était un peu genre du Maroc, je crois. Il avait un grand sourire et un œil d’entourloupeur, s’tu vois ce que je veux dire. Bon garagiste, je sais pas s’il l’était j’y connais rien, et il avait dû s’en apercevoir. Mais sincèrement, je ne crois pas qu’il m’ait trop entourloupée, bien qu’il ait dû remettre quatre fois sur le billard ma « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes »…quand elle a cassé son embrayage. Chaque fois qu’elle sortait du garage, je faisais deux trois kilomètres et pof ! re-cassé l’embrayage. Là, il rigolait plus du tout. Et quand en face de chez lui c’est devenu chez moi,… ah oui, son prénom c’était Stofa, pas facile à enregistrer, j’ai dû faire un blocage à cause de qu’il s’occupait de « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes ». Le soir, et souvent le midi, quand tu rentrais chez Stofa, tu savais que c’était pas la peine d’aller le chercher dans l’atelier. Nan, nan, il était plus dans l’atelier. Il était dans Son Bureau Mossieu Stofa. Tu le savais à l’odeur, que tu suivais, une odeur de Pastis, de whisky, et de Gitanes mélangées. Et puis, ça rigolait gras et couillu et quand tu rentrais dans le bureau, tu avais l’impression de n’être qu’une paire de seins sur pattes. Les yeux vitreux dégoulinaient sur toi comme le miel sur la cuillère. Et souvent, quand j’entendais le rideau de fer se baisser, je voyais tous les potes de Stofa un peu titubants sur le trottoir, reprendre leur 4x4, leur vélo, ou leur jambes à leur cou, pour aller rejoindre maman…
En juillet dernier, le stofa-club a fermé. Stofa avait 63 ans et il avait envie de faire chose rapido parce que la vie est courte. Et j’ai pensé que non seulement j’avais plus de garagiste, mais qu’en plus c’était comme un petit bout de poésie qui s’en allait.
Mais très vite je repris espoir puisque j’appris que le garage serait durant l’été transformé en galerie d’artiste. Ca me plaisait comme idée. J’me voyais déjà côtoyant du poète, saluant du sculpteur, copinant avec le monde de la création. Bref, je préférai ça que l’installation d’un autre garage.
Quand fin Aout, en rentrant de ouacances, j’ai vu le rideau de fer à nouveau levé, je me suis réjouie de pouvoir à nouveau admirer l’immonde peinture bleu et blanche souillée des traces de cambouis. Pas très très longtemps, puisque comme à l’accoutumée depuis des mois, ayant garé mon « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes » juste devant l’entrée du garage désaffecté, j’ai vu surgir un homme à lunette sec, furibond et en bleu de travail. Le nouveau maître des lieux, ai-je présumé puisqu’il ne se présentait pas mais me demandait de dégager illico. Après m’être présentée comme la voisine d’en face, j’ai précisé que je vidais ma voiture et que je dégageais. Il m’a avertie que désormais, la place devait être vacante car désormais, le lieu allait accueillir des expos et qu’il fallait qu’on puisse entrer et sortir à l’aise dans le lieu. Oui, parce qu’on dit pas un atelier, ni une salle d’expo, on dit un lieu. Sinon, on a l’air d’un crétin de base.
Donc le lieu accueille une asso nommée monoquini, mais avec un k. Non c’est pas un bordel topless. Avec un chef d’asso, qui rigole chaque fois qu’il pleut des omelettes. Bon pour tout dire, j’ai continué à garer ma « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes » quand le rideau était fermé et je me suis fait prendre en flagrant délit plusieurs fois, donc on était pas super super poteaux. Mais tout changea le jour où je me fis choper à me garer avec le véhicule du boulot, sur lequel toutes les faces sont marquées je suis un narkéo. Le chef d’asso est sorti pour me virer et là, … il a souri. Et il a dit « Vous êtes narkeo ???? » « Ben je travaille dans cette branche, j’ai répondu parce que j’ose pas m’appeler narkeo, j’ai l’impression de voler le titre. » Et là, vas-y que je te parle comme si on était les plus vieux potes de la rue, et que je te dis que oui tu peux te garer quand je suis pas là si tu veux, et je te dirai quand tu déranges et que tu dois sortir, s’il te plait madame la narkéo.
Ben là, je vais plus déranger souvent vu que « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes » elle est kapput-décédée. Alors depuis, il me sourit et me demande si je vais bien. Et aussi je reçois maintenant toutes les invit à ses vernissages, où jamais je suis allée.
Bon il faut dire qu’on n’est pas non plus envahis par l’évenement quotidiennement.
J’ai raté le premier. C’était une soirée pour halloween, mais pas l’halloween des ados et des pré-pubères, non ! Celui des hardos, des gothiques trentenaires, des purs et durs qui ont rien à voir avec cette fête commerciale orange et noire. Par bonheur, j’étais en vacances avec mes tdc lors de la première soirée. OUF !!!
Puis très vite après, le rideau est resté ouvert non stop parce que le lieu accueillait des artistes pour un festival saisonnier bordelais genre « JE CREE MOI MOSSIEU !!! ET SI TU COMPRENDS RIEN TES N’UN CON DE BASE »
De ma fenêtre de salon, j’ai donc vu sur la première salle du lieu. Je précise que le lieu a été laissé dans son jus, avec le bleu le blanc les traces et les odeurs de cambouis et d’huile de vidange. RHOLALA trop la classe. Plus proche de la réalité de la vie tu vois coco ! Donc de ma fenêtre, je voyais défiler non-stop sur le mur mi-bleu-mi-blanc une projection de diapo. J’avais l’impression que c’était des voitures qui tournaient autour d’un rond-point. Et chaque fois que je regardais par la fenêtre la même voiture tournait autour du même rond-point.
Le samedi avec ma lutine, férue d’arts et de loisirs créatifs, initiée par Barbie sa belle-mére inscrite dans un club de scrapbooking, nous avons pénétré dans le lieu.
Une jeune fille, étudiante aux beaux-arts, nous a proposé de nous guider. J’ai refusée, genre initiée à qui on n’explique pas l’art. Donc de plus, prés, j’ai eu confirmation du rond-point et de la voiture. J’ai même pu m’asseoir, en face car on avait placé un banc face à la projection. Pour moi, béotienne lambda, qui dit banc qui dit projection dit spectacle, dit s’asseoir pour regarder. Et peut-être même comprendre. C’est la lutine qui a fini par me demander ce que j’attendais car même si les voitures changeaient, même si les rond-points changeaient, et même si parfois une lettre majuscule apparaissait sur le rond-point, on n’allait pas y passer la nuit, il fallait bien s’y résoudre, rien n’allait exploser, personne ne scratcherait sa « la boîte à emmerdes que si t’en a pas encore elle va t’en offrir des tonnes » sur ce sacré rond-point. Je quittai donc le banc avec une désinvolture feinte. Et ma lutine et moi avons ainsi cheminé dans le lieu, nous non-extasiant devant des mains qui dessinaient des angles droits avec une équerre, à l’infini, sur le mur blanc-bleu, des coussins amoncelés dans un coin du lieu avec des cailloux comme occupants, un sol jonché de pochettes de disques vinyles et où l’on entendait des sons stridents traverser la pièce en créant des lignes lumineuses rouges. Un sacré moment quand même. C’est sûr que pour ma gazelle ça lui parlait moins que les plumes violettes du scrapbooking de sa belle-mère.
N’ayant rien de rien pipé à tout ça, j’ai tout de même demandé le secours de l’étudiante. La seule chose que j’ai vraiment comprise, c’est que les bruits stridents étaient de la… musique. Et que l’artiste avait capté toutes les connexions infra-rouges du quartier pour en faire de la …musique.
Le message était si j’ai bien suivi l’invasion de l’informatique dans notre quotidien et à notre insu. Là je te le fais simple parce que la petite étudiante elle me l’a sorti dans un langage hermético-merdeux bien plus élégant.
J’ai rempli ma petite fiche avec mon adresse mail. Ca et ma carte de narkeo-voisine, font de moi une happy few invitée de marque du lieu.
Depuis, les expos se succèdent, les évènements se bousculent à la porte ou plutôt au rideau de fer. L’artiste est souvent japonais, canadien, australien, on est dans l’audio et le visuel, attention je n’ai pas dit audio-visuel, crétin de base. Ne confonds pas.
Les potes d’apéro de Stofa on laissé la place aux invités de vernissage, qui viennent en vélo et rient du bout des lèvres en fumant leur pétard sur le trottoir.
Tiens en exclu je te donne le pitch de la prochaine expo petit lecteur de blog de base :
Surtout si tu es migraineux ne prends pas la peine de lire.

Oscar Diaz, designer espagnol vivant à Londres propose une exposition qui montre le processus de création d’objets.
Il a acheté dix objets dans un magasin à 1£ à Londres et les a questionnés/transformés/améliorés à chaque fois dans
une seule journée. Oscar Diaz redonne une valeur alternative à ces objets simples, usuels et souvent fabriqués en Chine.


Ca c’est celui que tu as raté en avril :

Initié en 2006, le collectif Dito réunit dix jeunes designers ayant l'ambition d'imaginer une méthode de travail
collégiale et ouverte, dans laquelle le dialogue, l'échange et le partage sont privilégiés. Envisageant le design
comme un moyen et non une fin, sa vocation est de se créer un langage commun et de dessiner un ensemble
d'objets porteurs de cette réflexion. L'exposition « Dito From Scratch » témoigne de cette expérience.


Et last but not least, celui du 6 mai dernier et là, j’ai trop la haine d’avoir bossé tard parce que ça donnait trop trop envie… Je ne me remettrai jamais de l’avoir râté !!!


La bande passante est un regroupement d'individus souhaitant soutenir et engager des démarches artistiques et/ou pédagogiques utilisant les outils visuels et sonores comme supports et moyens d'expression et d'émancipation.
Au delà d'initier ou de proposer des pratiques culturelles, nous souhaitons partager notre sensibilité et notre regard sur le monde, nos processus créatifs, vivre et faire vivre des expériences humaines. Nous défendons vivement l'accessibilité à la culture et la liberté d'expression. Dans un contexte de disparités culturelles et sociales, nous tentons de développer ces échanges en milieux spécifiques, vers des publics dits « empêchés », ou sur des territoires isolés.

La bande passante s'inscrit dans une démarche d'éducation populaire, qui est de permettre aussi largement que possible l’épanouissement d’individus citoyens, c'est à dire sensibles et avertis, aptes à comprendre la société et à s'y investir.(...) Nous entreprenons des actions pédagogiques autour des différentes pratiques artistiques audiovisuelles, sous forme d'ateliers, de formations, de rencontres ou toute forme d'accompagnement.(...)

La création est au coeur de nos actions. Nous encourageons la création originale et indépendante, dégagée de toute stratégie économique et sous toutes formes d'expérimentation. Ainsi, nous soutenons l'action militante des Cinémas d'Art et d'Essai, favorisant les rencontres entre les films, leurs auteurs et le public, et souhaitons y inscrire les œuvres ou objets artistiques que nous portons."


Parfois je pense à Stofa et ses apéros, et je finis par les trouver poétiques et si simples, si « la vie quoi », mais bon mes nouveaux voisins me font tout de même bien sourire et il vaut mieux ça qu’une permanence du parti du borgne ou du nain finalement. ..

dimanche 2 mai 2010

A mes dix dernières années....

Tout est fini entre nous. La rupture est consommée irrémédiablement. Après 10 ans de vie commune. La rencontre avait eu lieu un jour de grand vent. Grand vent dans mon couple de presque 20 ans cette année là. A la fin de l’année 2000. Les tdc étaient à l’école. C’était un vendredi jour de rtt pour moi. Ma maison verte et blanche était vendue depuis quelques mois. Nous nous retrouvions dans cette maison de transition. En tout cas moi j’en étais certaine. Ken lui était toujours dans la fuite, dans le refus de nos différends et de nos différences. Jusqu’à ce matin là. Il entra dans la pièce et me tendit une photocopie, en me demandant ce que c’était. La feuille sous mes yeux était remplie de mon écriture, de mes mots. Je la posais sur la table, et en trois quarts de secondes je savais ce que c’était. Oui j’avais écrit ce que je voyais. Quelques mois plus tôt. Au fond du fond de l’abîme, j’avais éprouvé le besoin d’écrire noir sur blanc, toute l’histoire de mon histoire avec Ken. Juste pour la raconter au psychiatre auquel m’envoyait ma psy. Juste pour ne rien oublier. Et je n’oubliai rien, aucun détail, aucun sentiment, aucun de mes doutes, aucun détail, aucune des raisons qui m’avaient conduites à ce mariage et à ces années si longues à attendre que le courage me vienne de parler, puis de partir. J’y parlais aussi de cet amour qui était venu un jour, des ces années ponctuées de coups de cœurs pour des hommes croisés, pour une femme aussi. Tout. Même les initiales de l’homme qui m’avait donné le courage de dire.
Mais je ne lisais pas, car je savais par cœur ce que j’avais écrit. Il me regardait. Il attendait. Moi, je me demandais une seule chose, lui tournant le dos, appuyée sur la table. Comment avait-il pu se procurer mes confidences rangées au fond de mon agenda, sous la couverture ?
Je revenais d’Afrique, de trois semaines avec l’asso, j’avais fait le plein de bonheur, de courage, de forces. J’étais rentrée trois jours plus tôt. Je savais que ma vie allait changer bientôt. A cet instant là, peut-être.
J’ étais partie au Burkina en laissant dans un tiroir mon agenda, avec mes rouges à lèvres, mes gadgets, des petites choses pas forcément nécessaires pour aller sac au dos aider des petits orphelins. Et c’est justement un soir où je lui demandai de chercher une adresse dans mon agenda que l’idée lui était venue de fouiller. Et bien sûr de lire tous les petits papiers que je sème dans mes sacs pour raconter mes rêves de la nuit et autres pensées.
Voila comment je me trouvai là, au banc de l’accusée soumise à la question.
De réponse il n’y avait pas. Il découvrait ce que je lui disais depuis des années. Je ne l’aimais pas. Je voulais ma liberté.
Alors il me posa cette question capitale s’il en est : « Il faut qu’on achète une nouvelle voiture, mais est-ce que c’est la peine d’investir là-dedans, avec ce que tu as dans la tête ???? »
Inutile de dire que cette question-là, sous cette forme, confirmait nos incompréhensions, nos différences de préoccupations et tous nos différends.
Et malgrè ma réponse nous partîmes l’acheter cette voiture.
Et c’est donc ce jour-là que je la rencontrai. Belle. Enorme. Elle me plût.
Quand plusieurs mois plus tard, notre divorce prit enfin forme, Ken me proposa que nous la mettions elle aussi en garde alternée avec les tdc.
Depuis plusieurs moi, elle aussi était le témoin des ébats amoureux de Ken et de sa toute fraîche Barbie. Cheveux blonds sur les sièges, trace de pieds sur le pare-brise, plaid rangé dans le coffre. Je ne pouvais rien ignorer de ce qui se passait là… J’en souriais, j’allais être libre bientôt.
Pour la garde alternée, elle a fait long feu. Rapidement Ken et Barbie réclamaient la voiture pour un week-end en amoureux, la voiture pour aller chez de nouveaux potes, ma voiture pour aller acheter un lit… Bref, il fallait faire un choix. Elle était à lui ou elle était à moi ??? Elle fut à moi, moyennant finances.
Elle m’amena partout, où je voulais, j’y mettais tout, mes meubles à transporter, mes enfants et leurs copains, mes copines en vadrouille avec moi pour le week-end. Elle visita le Portugal sans moi, avec une de mes amies.
Un été même, partie en vacances avec les tdc chez mamamia, je claquai la porte au bout de deux jours, fâchèe avec sœur fâchée, déjà. Mais je poursuis vis les vacances juste deux kilomètres plus loin, au bord de la mer. La nuit nous dormions tous dedans, le jour nous étions à la plage en forêt elle fut notre maison de vacances pendant quinze jours.
Mais bien vite elle tomba en panne. Gravement. Chèrement aussi. La réparation me mit dans une situation financière fragilisée.
Ma vie continuait, j’aimais à nouveau. Il la conduisit pour une semaine de bonheur. Elle retomba en panne et me laissa dans une situation financière délicate.
Je transportai Mamamia, et tous ses bagages quand elle vint chez moi. Elle ne l’aimait pas elle était trop grosse trop haute elle avait du mal à monter dedans.
Elle m’aida dans mes trois déménagements.
Elle m’aida à aller sur des chantiers.
Elle tomba encore en panne et me laissa dans une situation financière inquiètante.
Elle connut souvent la fourrière. Les dépannages en cata.
Je connus d’autres hommes. Des départs en urgence pour voir mamamia qui finissait sa vie.
Je ne compte plus les autres pannes. Les autres remorquages. Les autres sommes laissées dans les réparations.
Hasard cruel, je déménageais encore une fois et l’annonce à laquelle je répondis me conduisis juste pile poil en face de chez mon garagiste. Ironie du sort certainement.
Il devint son médecin référant alors que je refuse d’en avoir un pour moi. Et cela me laissa dans une situation financière catastrophique.
L’été dernier le garagiste a pris sa retraite.
Alors quelques mois plus tard, en janvier dernier quand elle a décidé encore une fois de tomber en panne sur le bord de l’autoroute, j’ai décidé qu’entre nous tout était fini ; Il le fallait.
Depuis elle est posée sur un parking à côté de mon bureau et elle continue de me torturer puisque je suis persécutée par la police municipale que veut que je l’enlève.
Mais c’est fini elle ne me coûtera plus rien. Jamais. A prochaine fois qu’elle prendra la route, je ne la reverrai plus jamais. Jamais.
Elle représente une dizaine de mes années de liberté. Mais elle fût une chaîne pour moi. Je ne veux pas couler avec elle.
Je n’ai plus de voiture mais je me débrouille. Celle du boulot, celle de potes, le tram, le bus, m’accompagnent dans mes déplacements.
Elle ne me manque pas. Mais je considèrerai en avoir fini avec elle quand elle sera loin de mes yeux et de mon compte en banque.