Je ne sais plus où traîne le petit carnet bleu dans lequel j’avais
noté la recette de la piperade de ma Tatie Simone. Celle que j’ai toujours
toujours suivie depuis que je cuisine. Mais en même temps, je ne crois pas
avoir encore besoin du petit carnet bleu. Parce que la première piperade que j’ai
cuisinée, c’était dans la cuisine de l’école où je vivais, chez Pierrot de la
Lune et Mamamia. Je n’avais peut-être pas vingt ans. La recette était copiée
par sœurette sur le dos d’une carte d’anniversaire, sous la dictée de tatie
Simone, experte en la matière, magicienne de la cuisine généreuse et familiale.
Les crêpes au beurre frais, la garbure au chou et confit de canard, les
graisserons de canard et le foie de canard, et un truc qui s’appelle les
saliades. Bon ça ne parle qu’à un landais la saliade. C’est ce qui reste tout
au fond de la marmite dans laquelle on fait cuire le confit de canard. Tout fin,
comme une crème un peu granuleuse et salée, qui se tartine su du pain frais ou
dans laquelle on trempe ses frites de pommes de terres nouvelles cuites avec la
peau… Ca ne se raconte même pas ça se mange simplement. Quand on en trouve
parce que depuis que Tatie Simone est partie tutoyer les anges, ce n’est plus
qu’un souvenir. J’an ai trouvé sur un marché de mes vacances il y deux ans,
mais rien à voir avec LA saliade de Simone.
Hier aux Capucins, pour un euro j’ai acheté une douzaine de
piments verst. Pas des poivrons, trop sucrés, pas des piments rouges trop forts…
Non du petit piment vert, juste un peu acide, bien croquant. Dans les landes on
le mange de trois manières.
Simplement en salade avec de bonnes tomates et de l’oignon
frais. Et une vinaigrette huile vinaigre sel poivre. Pas autre chose. Et on n’en
mange que de fin juillet à mi-septembre quand les tomates ont le goût de
soleil.
Autre version en omelette. Coupé en petits tronçons, cuits
tout doucement à la poële, très très doucement soit seul soit avec de l’oignon
soit avec de l’ail. Puis, on casse des œufs sur les piments et on mélange
doucement. Il faut que ça reste un peu baveux. Pour pouvoir saucer avec du pain
frais le fond de l’assiette à la fin du repas.
Et enfin. En piperade.
Ce matin en préparant ma piperade, le nez juste au dessus de
la cocotte, je fermais les yeux et je revenais en arrière, à ma grand-mère
basque qui disait la piparade, je ne sais pas pourquoi, à ma mère et sa mère
qui coupaient tous les légumes tout petits, à Tatie Simone qui en faisait des
conserves, et en distribuait à tous ceux qu’elle aimait. Je pensais à toutes ces femmes de ma famille
qui mettaient toutes les mêmes ingrédients, mais dont chacune était différente
et reconnaissable. Et puis la mienne, que j’aime bien aussi, copiée sur celle
de Simone mais inspirée de toutes les autres. Je pensais aussi à celle de mon
ex-belle mère qui m’avait bien déstabilisée quand je la goutais pour la
première fois. Elle aussi mettait les mêmes ingrédients, mais le résultat était
trop acide et trop cuit. Une sorte de bouillie acide à la couleur
indéfinissable.
La mienne cuit doucement et longtemps mais reste verte et
rouge vif comme le drapeau du pays basque. Il faut en faire une bonne quantité,
parce que la piperade fraîche, c’est le bonheur. Avec un bon poulet rôti. Mais
c’est quand même ben qu’il en reste pour le soir, avec les restes du poulet
réchauffés dans la même cocotte. Et puis ce qui est bien, c’est s’il en reste
encore un petit bol pour le lendemain. Parce que soit on est partageur et on fait
un plat de pâtes on oublie le ketchup et le gruyère et on arrose du bol de
piperade. Soit on est un peu égoïste et on verse le bol dan une petite poële,
on réchauffe et on casse deux œufs dedans. Ca c’était le plat préféré de
Mamamia et on n’aurait même pas eu l’idée de lui demander d’en avoir un peu. Parce
qu’il y a des petits bonheurs qui ne se partagent pas. Ou juste un peu. Parfois
elle trempait un morceau de pain dans le jaune d’œuf, et le jus de la tomate et
nous l’offrait. Nous n’en demandions pas plus.
C’était le plat de l’été, et nous en mangions aussi souvent
que les frites et les pâtes.
Moi, je n’en fais plus très souvent. Parce que j’attends que
les tomates m’inspirent l’envie de les préparer. La dernière que j’ai préparée
date de deux ans. J’en avais même fait des conserves tant les tomates étaient
belles. Mais c’était si bon que les zados ont englouti les dix ou quinze bocaux
avant la fin du mois d’octobre alors que j’avais prévu des les manger en hiver.
Allez la recette, pour ceux qui connaîtraient de bonnes
tomates.
Il faut donc pou une bonne piperade :
Une douzaine de piments verts
Cinq ou six grosses tomates
Deux oignons
De l’ail
Deux tranches épaisses de jambon DE BAYONNE
On coupe le jambon en dés, on émince l’oignon.
On coupe les piments en deux et on ôte les graines. (la
poule ne les enlevait pas je crois que c’est pour ça que le goût était un peu
amer). Et on coupe le piment en petits morceaux de trois quatre centimètres.
On fait chauffer UN PEU de l’huile d’olive dans une cocotte.
On y jette ensemble le jambon, les piments et l’oignon. On fait revenir en
remuant souvent, très souvent pour que rien ne cuisent trop vite. On baisse un
peu le feu. Ca fait un beau mélange de couleur vertes blanche et rosée.
Pendant que ça cuit on coupe les tomates en quartiers. On remonte
un peu le feu. Et on les ajoute au mélange qui a cuit doucement. Là on a toutes
les couleurs du drapeau basque au fond de la cocotte. On sale, on poivre. On n’oublie
pas trois ou quatre gousses d’ail écrasées avec leur peau. On laisse un peu
chanter le mélange. Que ça accroche un peu, juste un peu au fond, on verse un
petit bol d’eau, et un morceau de sucre.
Alors on baisse bien le feu et on laisse cuire, très bas
pendant une heure. Tatie Simone elle faisait à la cocotte minute une vingtaine
de minutes. Pas moi. Juste pour le plaisir d’aller de temps en temps soulever
le couvercle de la cocotte, respirer les odeurs, et voir les belles couleurs.
Voila j’en ai fait une à midi. Le nounours en a mangé sans
dire si c’était bon ou mauvais. Il a juste dit qu’on pourrait ne pas mettre de
jambon. J’ai essayé de lui faire comprendre qu’alors ça ne serait plus une
piperade. Mais en milieu d’après midi, j’ai entendu le frigo s’ouvrir, et il a dit « Je
mange un peu de piperade !! ». Alors j’ai jubilé. Sauf que je ne suis
pas sûre qu’il m’en restera suffisament pour
mon petit bonheur égoïste de demain.
Merci de rappeler cette recette qui évoque aussi mon enfance. Le reste de piperade, c'est pour moi froid sur une tranche de pain frais.
RépondreSupprimerBonne journée.
J'en ai fait une autre ce week end que j'ai juste eu le temps de gouter, il m'en restait une tasse à thé.. Je n'ai pas pu essayer la tranche de pain mais je retiens, aillé ou pas le pain ?
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