samedi 21 juillet 2012

Mauvais plan...


Je voulais faire cette note depuis quelques semaines. Je ne sais pas trop comment la tourner.  Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, elle n’a rien ni de plus plus perso que d’habitude, ni d’amusant, ni de triste. Mais plus d’inquiétant… Elle pourrait relever du fait de société, un truc qui aurait pu très mal tourner et que j’ai fini par régler avant la cata.

On nous raconte régulièrement aux infos les dérives de l’utilisation des réseaux sociaux chez les ados. Des petits évènements ou petits amusements qui partent en live en moins de temps qu’il ne faut pour se retourner. C’est arrivé à la lutine le mois dernier. Un truc qui en moins d’une heure peut faire dangereusement basculer une vie.

La lutine est sur l’incontournable FB, tout comme son frère et moi-même. Elle y affiche 689 amis, 605 photos. Des cinquantaines de j’aime chaque fois qu’une nouvelle photo apparaît, des « t’es tro belle je t’aime » des ses amis auxquels elle répond « non toi t’es tro belle » qui n’en finissent pas et que je trouve ridicules. Mais je ne me prends pas trop la tête avec ça, c’est il faut l’accepter, le truc des ados d’aujourd’hui. Mes enfants sont mes zamis de facebook, cela me permet d’avoir un petit œil sur le truc et de veiller aux dérives. Ca n’a pas l’air de les déranger. Le nounours refuse cependant que je commente ses photos, ce que je fais tout de même parfois. Et bien je me félicite finalement d’être parfois un minimum intrusive, et de savoir manipuler Facebook, msn et autre.

Pour fêter la fin de la troisième, une soirée a été organisée chez une copine de la lutine, le dernier vendredi soir de juin. Ce que, quand j’ai quitté la troisième moi-même on appelait une boum, où nous dansions des slows dans le garage d’une maison de parents, et parfois nous ennuyions des heures et des heures sur une chaise, parce qu’aucun garçon ne venait nous inviter. Alors, nous tournions notre paille laborieusement dans notre verre de coca fraise, en observant les moindres recoins de la pièce.

Aujourd’hui, on ne s’ennuie plus en boum, pardon en soirée. On prend son portable, on sms, on internette, et surtout on échange ses impressions même si l’on est dans la même pièce. Et de soirée à soirée on se tient au courant de qui sort avec qui à la minute même où la pelle est roulée…

La lutine vivait son premier dilemme, son premier drame cornélien en même temps qu’elle « préparait » son brevet des collèges. Un garçon de troisième était amoureux d’elle. Mais il sortait avec une autre fille. Pour corser l’affaire, cette fille fait du théâtre avec la lutine et elles sont copines. J’ai eu droit aux confidences, aux hésitations, aux questionnements «  dois-je trahir la copine, ou repousser le soupirant, pour lequel je soupire moi-même ???? ».

Ce soir de juin, si le jeune S. était invité, sa copine ne l’était pas. Et bien sûr, la lutine n’a pas mis longtemps à trancher et à faire le tri dans ses priorités. L’amour a eu le pas sur l’amitié. C’était quand même plutôt une copine qu’une amie. Et voilà que la lutine est sortie avec cet ado ma foi très prometteur. Classe préparant au conservatoire, percussionniste chanteur à lunettes, entre artiste et intello, telle mère telle fille… Le journal intime de mes 15 ans regorgeait de photos de ce genre d’ados. Mais moi, je m’arrêtais au rêve.

Ce soir-là, une copine de la copine de théâtre, témoin du roulage de patin, a dégainé le smartphone plus vite que son ombre. Et en trois secondes elle a publié sur son mur. Il a fallu trois minutes de plus pour que la « copine » apprenne qu’elle était trompée et trahie. Elle a consacré les trois minutes suivantes à pirater le compte du musicien-poète, à fouiller dans ses chats, et en un copié-collé assassin elle a affiché sur son mur, la conversation dans laquelle la lutine et le musicien s‘avouaient leur amour, puis s’avouaient avec force détails où ils en étaient de leur vie intime et sexuelle d’ados de 14 ans. Et hop la vengeance est maintenant un plat qui se mange chaud bouillant. En moins de dix minutes, les 689 amis de la lutine, plus les 747 amis du musicien, ainsi que les 932 amis de la « trompée-trahie » ont pu lire, cette conversation très personnelle. A la soirée tous les smartphones étant « on line », l’évènement est devenu le pôle d’attraction. Tout les zamis, des amis des amis du collège et du théâtre ainsi que les inconnus, ont envahi le mur de la lutine pour l’insulter, la menacer, et lui régler son compte. Un déchaînement d’une violence effrayante. Inimaginable.

La lutine, conseillée par ses amies présentes et par son musicien a aussitôt fermé son compte Facebook, pour stopper la réaction en chaîne et le déferlement de plus de 200 messages en moins d’une heure. Alors tout le monde est allée sur le mur de la « copine », pour lui assurer son soutien, et continuer le flots des insultes et des menaces.

Quand la lutine est rentrée à la maison le lendemain, elle était terrorisée. Elle a tout de suite ressenti le besoin de tout me raconter. Elle me suppliait de la changer de collège et disait ne plus vouloir sortir de la maison. Elle avait reçu des tas de menaces sur son téléphone portable.

Super-maman est alors entrée en action. La lutine refusant totalement que j’aille sur le mur de la « copine » pour mesurer l’ampleur des dégâts, et surtout lire cette conversation. Il est évident que je ne l’ai pas écoutée et que de recherches en recherche j’ai pu trouver le nom de cette copine et son mur et cette conversation qui en effet était très intime entre les deux ados. Rien de grave vue de mon grand âge, mais véritable mise à nu pour une ado. Comme si on avait ouvert un journal intime qu’on l’avait photocopié et placardé sur les murs de tous les collèges du secteur… J’ai compris la honte et le désarroi que cela  pouvait provoquer. Je crois qu’un enfant sans soutien, sans écoute, ou trop renfermé pour en parler à ses parents,  peut, après une telle chose commettre des actes irréparables.

J’ai aussitôt moi-même publié sur le mur de la copine un ultimatum. Une heure pour effacer  ce tas d’insultes ce copié collé. Si ce n’était pas fait plainte au commissariat. Je précisais que tous les noms et la conversation étaient maintenant sauvegardés sur mon ordi. Que par ailleurs, si un seul cheveu de ma lutine était touché, maintenant ou à la rentrée de septembre, tous ces mêmes noms suivraient le chemin du commissariat et que je prendrai contact avec les parents. Puis petit coup de téléphone à la jeune fille pour tout confirmer de vive voix.

En deux heures l’affaire était réglée.

La lutine a séché ses larmes et elle a tout l’été pour mettre un peu de baume su cette sale plaie.

Je serai vigilante puissance 100 à la rentrée.

La bluette se poursuit via les sms et le téléphone puisque la lutine est en vacances dans la famille et le jeune homme en vacances je ne sais où. Ils se retrouveront en Aout.

La lutine a rouvert son compte et je surveille. Pour l’instant rien n’est venu le perturber.

Je crois que tout le monde a bien compris que j’étais très très sérieuse.

C’est fragile un ado. Et les outils d’aujourd’hui peuvent devenir des armes.



3 commentaires:

  1. Ca ne me fait ni rire, ni pleurer, ni stresser...
    Mais vous avez eu LA bonne réaction. FB peut être un sacré piège pour les jeunes... ils n'imaginent souvent pas la portée des traces qu'ils laissent.

    RépondreSupprimer
  2. OMG, c'est vrai que c'est affreux. C'est vrai que c'était pas "joli", ni de la part de la lutine, ni surtout de la part du musicien. Mais la conséquence, c'est juste super super glauque :(
    Je trouve que tu as vraiment su faire ce qu'une mère doit faire : mettre fin au lynchage publique, rappeler que ça peut se finir au commissariat, etc.

    RépondreSupprimer
  3. OUF ! Je pense que vous avez fait ce qu'il fallait au moment ou il le fallait.
    Ca va tellement loin maintenant ces histoires...

    RépondreSupprimer