dimanche 20 janvier 2013

Boulettes blanches


Dans  son bureau, vilain comme tout, installée dans un vieux fauteuil moitié voltaire moitié art déco, tellement que je sais pas comment on à l’idée de faire un meuble comme ça, elle me regarde.
Je la connais déjà un peu. J’étais venue la voir il y a quelques années, désespérée et fâchée contre mon généraliste. Il persistait et signait : la douleur aux cervicales qu’il soignait depuis deux mois à coup de myorelaxants, allait beaucoup mieux. Sauf que moi, je ne le ressentais pas. J’étais de mauvaise humeur, et épuisée.
Elle, elle a commencé par prescrire une radio, et m’a donné une liste longue comme le bras de petites boules blanches à prendre pour me faire partir cette douleur. Elle m’a aussi expliqué un tas de trucs, que j’écoutais à moitié sur le pourquoi du comment j’avais aussi mal. Quand je suis sortie de chez elle, sincèrement je ne voyais pas comment ignatia et compagnie allaient dégommer cette sale douleur.
Je ne me souviens plus combien de temps cela a pris, mais assez rapidement, j’ai oublié cette douleur. Normal elle avait disparu.
Certains disent que c’est une question de croyance, que les petites boules sont un placebo et que tout ça, c’est dans la tête.  Et alors ???
Je ne sais pas pourquoi (enfin si la consult est à 50 euros), j’ai attendu aussi longtemps pour aller la consulter à nouveau pour mon dos.
J’avais vite compris, moi qui ne connaissais pas le mal de dos, que son arrivait, s’était calée pile poil, sur le jour ou la gazelle s’est fait frapper par « soncoeursonamour » puis a disparu en faisant croire qu’elle s’était suicidée. Ce jour là la douleur aux cervicales est revenue, puis elle est descendue une semaine plus tard quand le nounours m’a fait son entourloupe en vacances dans les Landes (voir une note d’Aout 2011).  
Ca doit s’appeler somatiser.
Et même si l’IRM montre une protrusion minime entre deux lombaires, même si je marche depuis plus d’un an à coups de tous les médicaments antidouleur que les médecins prescrivent, rien ne fait passer cette douleur. J’ai mal, j’ai mal, mais ce n’est pas grave alors il ne faut pas en parler. Il faut supporter. Se taire. Parce que ça lasse les personnes qui se plaignent de leurs petits bobos. Et c’est vrai.
Donc une IRM, deux ostéo, une rhumato, et quelques génaralistes et aussi un compte en banque positif plus tard, j’ai repensé à mon docteur des petites billes blanches.
Et un mois plus tard je me suis retrouvée dans son cabinet. Elle est drôle cette femme. La soixantaine. Une sorte de babacool, peace and love à mort. Longs, longs, très longs cheveux bruns qu’elle laisse libres, longs jusqu’aux fesses. Elle doit faire une natte la nuit, ça se voit aux crans réguliers. Fringuée d’un vieux pull genre poil de lamas, et d’un jean ni slim, ni pat d’eph’, juste moche. Parfois elle te reçoit pieds nus. Le matin. Elle fait des séances de sophro à ses heures « perdues ». Dans son bureau des tas de dossiers sont empilés partout dans tous les coins, c’est très mochement décoré je l’ai déjà dit, peinture vert amande, carrelage genre marbre, et meubles dépareillés. On sent qu’on n’est pas dans le dernier cabinet chic qui en jette.
Mais on s’en fout parce qu’elle elle te regarde. Elle t’écoute. Elle te questionne. Elle te regarde avec son regard que t’as l’impression qu’elle va te prendre dans ses bras et te serrer contre elle et te faire un gros câlin. Elle te pose les trop bonnes questions. Avec un sourire doux de maman qui te comprend. Et rien que ça déjà, ça te fait énormément de bien. Bon, moi, comme mon œil insolent est toujours à l’affût, je suis partagée entre l’envie de rire devant ce sourire de madone compatissante, et de verser ma larme face à ce regard tellement « à l’écoute ». Pendant une bonne vraie heure, elle écoute, elle explique. Des mots sur le pourquoi du comment de la douleur. Je dois avouer que je n’ai pas totalement compris toutes les explications. Il y a une histoire de colère que j’ai éprouvée, et qui n’est pas sortie de la bonne façon, et d’envie que j’ai en moi d’aller bien. Il y a mes crampes et mes crispations, mon envie d’avoir les pieds en dehors de la couette la nuit, mon désir de boire de l’eau froide. Elle me demande si je comprends je dis oui même si je mens un peu. Ce que je comprends c’est que j’ai pu un peu parler de cette douleur et de ce qui l’avait déclenchée. Et j’ai une énorme envie de pleurer et de laisser couler mes larmes. Mais je ravale.
La liste des petits tubes bleus prescrits est impressionnante. Je vais devoir ingurgiter trois par trois, trois fois par jour, un nombre incalculable de petites billes blanches. Plus un immonde liquide, trois fois par jour aussi, qui les premiers jours m’a presque fait vomir.
Alor j’ai décidé d’y croire. Et ça marche. Placebo ou pas, sucre ou pas.
Je ne réveille plus en pleine nuit pour mettre mes pieds hors de la couette,  me retourner dans mon lit n’est plus une douleur qui me tire de mon sommeil. Je me lève de mon canapé sans être moitié pliée en deux. Je marche dans les couloirs du bureau sans être ralentie par ce point que j’avais au dessus du sacrum.
Il m’arrive le soir d’avoir encore un peu mal. Ce n’est vraiment le point douloureux qui a disparu mais plutôt toute la contracture musculaire qui était autour de ce point. La protrusion est là et toujours bien là.  Mais mon dos est plus décontracté.
Demain je vais de nouveau voir mon docteur baba. Il me tarde de voir son immense sourire. Je suis certaine qu’avec quelques petites billes blanches de plus je vais retrouver la forme avant le printemps. On y croit on y croit !

1 commentaire:

  1. On y croit on y croit et ....j' y crois . Une maladie auto-immune parait-il inguérissable et celà fait maintenant plus de dix ans, plus rien !!!! Des tas de petites pilules avalées durant quelques semaines prescrites par un " vieux sage " et miracle des années de gagnées là où la médecine traditionnelle échouait où plutôt m' empoisonnait .
    Des pillules miracles ??? pour un esprit cartésien difficile d' y croire et pourtant .....
    Boutoucoat

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