dimanche 29 janvier 2012

Gris comme des souvenirs..



Perdre un ami une nuit d’hiver 1983. L’avoir vu partir quelques heures plus tôt, en pensant il m’agace… Avoir parlé longtemps une semaine plus tôt sur la touche d’un terrain de rugby, au fin fond du pays basque… Avoir juste un peu plus de vingt ans, des projets, un mari tout frais et un petit bébé au chaud tout au fond de soi, quelques centimètres à peine d’un bonheur qui viendra dans quelques mois. Parler avec l’ami de ce bébé qui viendra et parler surtout de son amour d’enfance et d’adolescence pour soeurette. Amour dans un sens, grande amitié dans l’autre sens. Il le sait mais veut y croire tout de même. J’essaie de lui faire comprendre que c’est un peu vain… Nous sommes si jeunes. Il a juste vingt ans. Pourquoi lui enlever ses illusions. Ila vu passer les amoureux de souerette, bon prince, jaloux parfois, mais jamais agressif. Il prend toute l’amitié que lui offre soeurette. Il est tout fou, il rit beaucoup, mâche souvent son chewing gum bruyamment, il n’est as souvent coiffé, souvent en tenue de sport. Il a ses expressions bien à lui, comme le pantalon « band’à l’aise », il se moque souvent des autres… Il a la primeur de nos confidences à soeurette et à moi. Nos parents l’intimident et il rentre rarement chez nous. Il reste devant la maison assis sur mobylette puis dans sa voiture. Nos vies démarrent. … Et la nuit du 29. Je dors la main sur le ventre et sur ce bébé bien au chaud. Soeurette est partie pour la nuit faire la fête. Je suis déjà dans ma vie bordelaise. Je suis venue en week-end. La sonnette qui retentit réveille tout le monde. C’est Pierrot de la lune qui se lève pour ouvrir. Tout le monde écoute cette conversation lointaine en bas sur le pas de la porte. Ca dure quelques secondes. On entend la voix d’un autre ami. On entend un prénom. On ne sait pas vraiment quelle heure il est. Puis on entend le mot Mort. La porte claque. Tout le monde descend de sa chambre. Pierrot de la lune n’a pas besoin de raconter de grandes histoires pour que tout le monde comprenne. Il fait froid. Il fait silence. Il fait comme un grand cri strident dans nos têtes. Et il fait que soeurette ne sais pas encore. Chacun retourne se coucher, assommé, muet, les yeux brûlant des larmes qui vont bientôt couler. Personne ne dort jusqu’au matin. Soeurette est rentrée dans la nuit. Je ne me souviens pas de qui ni comment elle a appris.
Dehors il fait un brouillard glacé. Nous avons juste la cour de notre maison à traverser pour nous rendre auprès de la famille broyée de chagrin. Ca ne se raconte même pas. Mais ça reste à jamais gravé, comme une image indélébile. Comme des hurlements et des pleurs qui transpercent le cœur et le laissent béant.
La vie, la notre peut continuer, mais sans cet ami. Avec cette famille perdue qui ne se reconstruira jamais. Même 28 ans plus tard, le malheur s’est enraciné, personne ne s’est reconstruit vraiment  des trois personnes qui restaient. Jamais plus le bonheur pour eux.
Pour nous, les amis, les voisins, le chagrin est encore vivace. Le bébé n’est pas né. Il est parti trois jours après l’ami. Disparu. Il a fallu fermer la page de ce bonheur promis. De ça on se reconstruit.
Tous les ans à cette date, un brouillard recouvre les pensées de la journée. 

1 commentaire:

  1. tous les ans, je revis ce moment où maman me l'a appris quand je suis arrivée le matin. D'abord, je pensais à notre oncle alcoolique qui s'appelait aussi Angel, mais maman insistait voyant mon indifférence. Et au bout d'un moment quand elle m'a dit "mais c'est Angel, ton copain", là je n'ai pas pu y croire (comme beaucoup d'ailleurs) et il m'a fallu quelques jours pour réaliser. Il est toujours présent en moi et souvent je pense à nous, comment notre amitié aurait évolué avec nos vies respectives. Je sais que lui aurait voulu autre chose entre nous, et souvent ça m'énervait, mais je ne voulais pas lui faire de peine. J'ai tellement de souvenirs avec lui. Il n'aimait jamais mes copains, sauf si c'était des rugbyman et souvent ses copines me critiquaient et étaient jalouse de moi... ça nous faisait rigoler d'ailleurs. A part à mes soeurs et mon frère, je n'ai jamais depuis retrouvé quelqu'un à qui je pouvais autant me confier et tout dire.

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