mardi 10 mai 2011

UN AUTRE 10 MAI D'IL Y A 30 ANS...

Un autre 10 mai. J’avais 21 ans. Un autre 10 mai. Ce jour là on votait. Un autre 10 mai. C’était un dimanche 10 mai.


Ce 10 mai là, il y a eu deux événements dans ma vie.

L’un a bouleversé notre vie.
L’autre a bouleversé ma vie.


Ce 10 mai là, cette Gauche dont j’entendais si souvent parler par mon père, cette Gauche dont je me disais qu’elle rimait avec justice, cette Gauche a gagné.

L’HOMME est arrivé enfin au pouvoir.

Ce dix mai là, dans le train qui ramenait les étudiants landais, les étudiants basques à Bordeaux, tout le monde chantait. On s’embrassait, on riait tous, on gueulait qu’on avait gagné.

Ce dix mai là c’était l’euphorie.

J’admirais l’HOMME. Adolescente, un professeur avait donné comme sujet de rédac : « qui rêvez vous d’être ». Et moi à 13 ans je rêvais d’être l’HOMME. Parce que l’HOMME pour moi représentait la justice, la loyauté, l’égalité, l’honnêteté, il allait nous sauver. Je n’aime toujours pas même aujourd’hui que l’on critique l’HOMME, même si je sais qu’il y a sûrement cents motifs de le critiquer.
Ce 10 mai là il faisait chaud, je me souviens exactement de ce que je portais. Un peu fashion victim, un pantalon écossais, des santiags blanches, et un caraco de ma grand mère blanc. Je me souviens que quand j’ai ouvert l’œil , j’ai pensé c’est aujourd’hui. Ma mère était un peu triste, mon père un peu sombre. Ils n’aimaient pas ce qui allait m’arriver. Ce n’était pas ce qu’ils voulaient pour moi. Mais c’était ce que moi je voulais pour moi. A 11 heures une voiture est venue me chercher, conduite par le JEUNE HOMME.

Le JEUNE HOMME avait le sourire. Le JEUNE HOMME était Heureux. Le JEUNE HOMME semblait nerveux. Le JEUNE HOMME était mal habillé, comme d’habitude.


Le JEUNE HOMME était amoureux. Pas moi. Mas je ne le savais pas vraiment.
En arrivant devant la maison blanche, j’ai vu tout ce que je n’aimais pas. Des petits chiens grisâtres, tout poilus, qui sautaient sur mon joli pantalon en aboyant à me crever les tympans. Des géraniums alignés devant la porte fenêtre, un massif avec des roses, des arums et des dahlias. Des rideaux tirés des volets fermés pour ne pas être vus par les voisins. Et des tas d’autres petits détails qui n’étaient finalement pas des détails.

Le JEUNE HOMME, m’a présentée officiellement à sa famille : un père, une mère, trois sœurs, une beau-frère, une nièce, des grands-parents. J’ai senti comme un piège qui se refermait sur moi. Mais j’ai pensé qu’il était déjà trop tard. 9 paires d’yeux me scrutaient curieusement, sans discrétion. On avait pour moi, ouvert la salle à manger, on avait pour moi sorti le service : les assiettes avec le chien qui ramène un faisan dans la gueule, les couverts tout tarabiscotés en métal argenté même que c’est dégueulasse quand on les met dans la bouche. La mère du JEUNE HOMME qu’à partir de ce jour là je n’ai jamais entendu parler mais vociférer, avait du croire que je resterai 15 jours car elle avait préparé un repas TYPIQUEMENT landais : lourd, gras, copieux, avec trois viandes et quelques fantaisies culinaires dont elle a le secret, genre le foie gras et ses pruneaux farcis au beurre. Je suis sûre que vous en mangeriez…Je n’ai osé refuser aucun plat. Je crois qu’on m’a prise pour une oie à gaver.


Toute la journée j’ai vu défiler des cousins, cousines, oncles et autres parenté, qui comme par hasard passaient devant la maison.

Je me disais que j’avais jamais connu des personnes comme ça.


Je me disais que j’avis hâte de rentrer à Bordeaux.

Je me disais que ça allait être dur de venir souvent ici.

Je me disais que je me trompais peut être.


Mais le JEUNE HOMME semblait, fier, radieux, heureux.

Alors je me suis dit que c’était ainsi, et que je n’avais pas le droit de décevoir, ni de rendre malheureux.

Le soir, après une petite pause d’une heure, nous nous sommes remis à table. La télévision était allumée, le son a fond les manettes. Je crois que nous en étions aux fraises macérées 28 heures dans du sucre de l’eau et du castelvin puis recouvertes de crème chantilly maison, quand le visage de l’HOMME s’est dessiné sur l’écran.
Eux aussi ils étaient heureux.
Ils avaient un président.
Ils avaient une belle-fille.

Peut-être qu’on s’est trompés en mettant l’HOMME président.
Peut-être que je me suis trompée en gardant le JEUNE HOMME.

C’est du passé.

L’HOMME est mort.


Le JEUNE HOMME a quitté ma vie.
Les trois enfants caramels sont les nôtres.

Ne pas regretter.

1 commentaire:

  1. Heyyy, comme une similitude de style, à 2 jours près !!!
    Ces dates qui restent gravées, ces petits détails qui ne s'effaceront pas...

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