jeudi 24 mars 2011

Détournement de carrière...

Je ne parle pas souvent de mon boulot. Des collègues parfois. De l’ambiance parfois. Mais de ce que je fais, non. Et là j’ai un peu envie. Juste de dire que je l’aime ce boulot. Parce que j’en ai fait ce que je voulais. Parfois je me fais une devise maison «  Si tu ne fais pas ce que tu aimes, aimes ce que tu fais ». Et ça marche. Je voulais être psy. Je ne le suis pas. J’ai étudié pour être documentaliste. Je ne le suis pas. Pas de façon classique en tout cas. J’avais un peu commencé à l’être, c’est d’ailleurs ainsi que je suis arrivée chez les narkeotrafikants. Je leur préparais des dossiers, des cartes, sans avoir jamais mis un seul pied sur leurs terrains.  Puis, j’ai giclé un peu plus loin, selon le bon vouloir d’un chef qui n’avait pas apprécié que je lui tienne tête. Il me menaça « Un jour tu paieras les conséquences de tes actes ». J’avais osé lui dire qu’il magouillait et que quand on magouille parfois ça merdouille… C’est ainsi que je me retrouvais à faire de l’infographie, pendant presque deux ans, toujours pour les narkeotrafikants, mais loin des yeux et du cœur du chef.  CA ne me dérangeait pas plus que ça. Au début je fus plutôt malheureuse, mais finalement, les clics de souris, les logiciels de dessins, et moi, nous fîmes bon ménage. Et quand au bout de deux ans on me proposa de revenir à la doc, j’eus une petite hésitation. Mais, l’appel des bouquins, des archives, du papier fut plus fort. Puis il y eut cette noire période où l’on essaya de faire de moi une administrative. Là sincèrement, j’avais beau essayer, je n’arrivais pas à aimer. C’est alors, qu’un jour je me proposais d’aller moi aussi narkeotrafiker sur le terrain. Ca fera bientôt huit ans. Jamais je n’ai regretté. Et parfois je croise cet ancien chef qui me menaça un jour. Et j’ai envie de lui dire merci de m’avoir mise hors de ta vue connard, parce que depuis que m’éclate, je m’épanouis, je me passionne pour mon boulot. Quand j’ai commencé à m’occuper de tous ces petits bouts de tessons, de petits morceaux d’os, de métal, de poisson, des tous ces cailloux, j’ai un peu eu la sensation d’avoir été mise sur une voix de garage. Et j’ai senti que je pourrais très mal tourner. A frotter tout ça toute la journée, on peut vite devenir, un peu vide dans sa tête. Alors j’ai décidé que ce boulot allait m’intéresser. J’ai décidé que ces petits bouts d’os, d’assiettes, d’arêtes de poissons allaient me parler. C’est ainsi que j’ai replongé le nez dans des bouquins, posé des questions, fait des formations, et que j’ai appris à mieux connaître tous ces petits morceaux de notre passé. Et je suis tombé amoureuse de ce travail là. Mes collègues narkeotafikants purs et durs, grattent la terre et font parler des murs, des voies, des fosses, des grottes. Moi, je récupère tous les petits morceaux du quotidien, ce qu’on appelle le mobilier, et je le bichonne. J’ai passé une heure cet après-midi, un scalpel en main, à gratter millimètre par millimètre, une rondelle de métal, dont je savais déjà qu’elle était une monnaie. Et millimètre après millimètre, j’ai vu se dessiner la tête de l’empereur, puis les lettres de la fin de son nom « ..IUS ». Il me faudra demain, gratter encore des millimètres pour pouvoir découvrir à qui appartient le profil de ce « …IUS ». Cette pièce  et l’identité de l’empereur permettront de dater le reste, avec quelques autres objets datants. Je peux rester des heures à nettoyer ces objets qui ont appartenu à des hommes qui vivaient il y a deux mille ans. Je ne suis pas une documentaliste au milieu de ses bouquins, mais travailler sur ces objets centenaires ou millénaires, me permet aussi de documenter. Je suis fière de ce que je fais. J’aime en parler. J’aime faire raconter à ces objets une histoire tellement lointaine et quotidienne, comme j’aime raconter ici une histoire proche et quotidienne. Jamais je ne m’ennuie dans ce que je fais. Finalement, je n’étais pas faite pour être une documentaliste que met des côtes sur des dos de bouquins, et compte les pages des bouquins.

1 commentaire:

  1. C'est une chance d'aimer son travail, j'ai adoré le mien, j'aime ne plus travailler...Courage pour tes galères...heure-bleue

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