samedi 22 janvier 2011

Une autre histoire

Bon comme on le devine, l'histoire d'hier ne s'arrête pas à ces deux enfants-là, une surprise est venue quelques années plus tard avec l'arrivée de la lutine. Et quand elle a su qu'on avait écrit pour son frère et sa soeur, elle a réclamé son histoire a elle.
LA voilà donc aussi :

Ma maman sait lire. Et ma maman sait aussi écrire. Elle a 5 carnets dans son grand sac rouge. Elle a un feutre orange qu’elle perd tout le temps, alors dans ses carnets il y a des mots de toutes les couleurs. Parfois, je lui pique son carnet et je mets des petits dessins et des petits mots avec des « je t’aime » et des cœurs. Mon frère aussi met des mots. On fait ça quand on veut lui demander d’aller manger au fast-food ou à la pizzeria et qu’on ne sait pas comment lui dire. Mais ma maman elle n’écrit pas que dans ses carnets. Elle tapote sans arrêt des mots sur son ordinateur. Elle écrit, elle écrit, et parfois ça nous agace beaucoup, car pendant ce temps elle ne joue pas avec nous.



Ma maman avait écrit une fois une histoire pour mon frère et ma sœur. Mais je n’étais pas encore née. Ca racontait une famille avec un papa, un maman une petite fille et un petit garçon, un chat, un poisson et une maison verte. Moi, je suis venue après. Je ne me souviens pas de la maison, parce que j’étais un bébé, quand notre famille s’est un peu compliquée et qu’on est partis.



D’abord on a déménagé tous ensemble avec notre Labrador et notre chat mais le poisson était mort depuis longtemps. Mais dans cette nouvelle maison, papa et maman ne s’asseyaient jamais plus l’un contre l’autre dans le canapé. Souvent, papa rentrait très tard et on mangeait juste avec maman qui était très énervée.



Un jour, mon frère, ma sœur et moi, on est partis en vacances chez papi et mamie. Quand on est revenu le dimanche soir, on a mangé tous ensemble pour une fois. Je crois bien qu’on mangeait de l’omelette. Et tout d’un coup maman a dit : « Il faut qu’on vous parle ». J’espérais que ça irait vite parce que je n’aime pas l’omelette froide. Elle a d’abord dit qu’avec papa ils nous aimaient très fort. Et là, j’ai senti que l’omelette allait refroidir sérieusement. Papa a dit « Pas maintenant ! ». Lui non plus il n’aime pas l’omelette froide. Maman elle adore ça, elle la sort du frigo et elle la picore quand il en reste. Alors elle a fait comme si elle n’entendait pas et elle a continué de parler. Elle a dit que Papa et elle n’étaient plus des amoureux.



Elle a dit qu’ils n’avaient pas de peine.



Elle a dit que papa aimait une autre dame.



Elle a dit qu’on allait divorcer.



Elle a dit qu’on vivrait la moitié du temps avec elle et l’autre moitié avec papa et la dame.



Elle a dit qu’il ne fallait pas être triste, et que tout allait bien se passer.



Ma grande sœur a pleuré et dit qu’elle n’avait plus faim.



Mon frère a demandé si la dame était plus jeune que maman et s’il pouvait finir l’omelette de ma grande sœur.



Moi, je crois que j’étais trop petite et je ne sais plus si j’ai dit quelque chose.





Après, on est allés au lit et le labrador a mangé l’omelette froide.



Le lendemain, c’était comme avant.



Puis, un jour on a rencontré la dame dans un restaurant et papa nous a dit que bientôt on irait dans une nouvelle maison et qu’elle habiterait avec nous, mais sans maman bien sûr.



Au mois d’avril, on a commencé notre vie compliquée. Papa a pris la grande télé, un des deux canapés jaunes, des assiettes et le labrador, maman a gardé l’autre canapé jaune, le piano, et la grande armoire, et aussi le chat. A partir de ce jour, on avait deux maisons, deux chambres, un papa, une maman, une belle-mère, mais on gardait la même école et ça c’était quand même bien.



Bien sûr, tout ça, voulait aussi dire, deux Noël, deux anniversaires, deux petites souris.



On a noté sur un grand calendrier les jours avec maman et ceux avec papa. Parfois, on s’y perdait un peu. Le plus dur c’était le jour où on changeait. Il fallait quitter ou papa ou maman. On était contents de retrouver papa mais tristes de laisser maman. Puis le dimanche suivant, on était contents de retrouver maman, mais tristes de quitter papa. C’était un peu comme si notre cœur était déchiré en deux.



Il fallait bien qu’on s’habitue puisque ça ne changerait plus jamais.



Dans chaque maison tout était très différent. Dans chaque maison, il y avait des choses bien et des choses pas très bien.



Papa s’est marié, et il a fait un petit frère et une petite sœur, il a acheté une nouvelle grande maison et une très grande voiture, mais il est plus sévère qu’avant.



Maman ne veut plus de maris, elle a parfois des amoureux mais ne nous les montre pas. Elle a de tas d’amis qui viennent souvent avec leurs enfants. Souvent ce sont aussi des familles compliquées comme la notre. Alors on sait qu’on n’est pas les seuls.



Chez papa tout est rangé. Chez maman tout est en bazar.



Chez papa on a des pantoufles. Chez maman on marche toujours pieds nus.



Chez papa on est très sages. Chez maman on est un peu foufous.



Parfois, quand j’arrive de chez papa, je me trompe et j’appelle maman Clara, comme ma belle mère… Maman fait comme si elle n’entendait pas et elle ne répond pas, mais je vois sa bouche qui fait une drôle de grimace pas contente. Il faut dire que maman et Clara ne sont pas vraiment très copines. Parfois elles font semblant, elles parlent un peu de nous, de l’école, des bêtises, mais quelquefois elle n’arrivent pas à faire semblant, et là…. Je ne vous raconte pas, parce que ça barde et on voit vraiment qu’elles ne sont pas des copines.





Ce qui est sûr c’est que tous ensemble, on est une famille. Même si maman et Clara ne sont pas des copines, nous on les aime toutes les deux, et aussi notre papa, et mon petit frère et ma petite sœur. Et puis, nous on est heureux dans notre famille compliquée. A la télé on dit famille recomposée, et parfois aussi on parle de famille normale. Normale ? C’est idiot, une famille normale, ça ressemble à quoi ? L’important c’est l’amour de son papa et de sa maman, qui lui ne change jamais.







Publié par la méli-mélo à l'adresse 01:48

8 commentaires:

  1. Touchant...

    J'aimerais bien continuer à croire que l'amour d'un parent est immuable. Mais pas toujours non.

    RépondreSupprimer
  2. oui je sais bien car avec les années il est vrai que l'amour du papa... Bref, je suis certaine qu'il aime bien sûr ses enfants mais il le montre mal... Ma lutine m'a dit il y a peu "il est entrain de me perdre..." Je trouve ça terrible et pour ma fille et pour son père !

    RépondreSupprimer
  3. Histoire touchante, pas banale et pourtant qui trouvera écho chez beaucoup d' entre-nous.....une petite larme tombe dans le bol et.....m' en vais la sécher dans l' air frais du matin . Bon dimanche Méli .

    RépondreSupprimer
  4. Un divorce pour les enfants, c'est toujours une cicatrice. J'ai beau avoir 40 ans, mais la lecture de votre texte m'a rappelé que cette blessure n'est pas refermée.
    Très beau texte.

    PS : vous êtes en lien permanent chez moi.

    RépondreSupprimer
  5. Merci pour le lien, j'ai fait la même chose ici.
    Je sais à quel point les enfants de divorcé ont une blessure béante en eux.
    Samedi dernier,chez des amis, j'ai rencontré un couple au bord du divorce, qui s'est déchiré toute la soirée au point de mettre tout le monde mal à l'aise.
    uand le couple est parti, nous en avons parlé et ma lutine était là. Elle a exprimé sa souffrance de ne pas voir ses parents ensemble. J'ai essayé de lui faire comprendre que vivre avec des parents qui se déchire est encore moins enviable... Il me semble. Je comprends la souffrance, mais je me demande quelle elle aurait été si nous étions réstés ensemble.
    Je doute toujours de ce qui aurait été le mieux pour eux...

    RépondreSupprimer
  6. Je suis très émue à la lecture de votre billet.
    Ma fille ( qui a 30 ans) a 2 enfants ( 3ans et 1 an) vient de se séparer de son compagnon ( parti avec une jeune femme de 22 ans ).
    Je m'interroge à chaque fois que je les vois si ces petits bouts choux ne sont pas trop perturbés mais apparemment ils ont l'air de s'adapter à la situation....J'ai peur qu'ils enfouissent dans leur être intérieur leur souffrance.

    RépondreSupprimer
  7. Je suis totalement admirative de la faculté d'adaptabilité de nos enfants. En même temps ils n'ont pas trop le choix....Sans donner de conseil le principacipal est de beaucoup parler pour essayer d'expliquer les situations, et c'est souvent dans le cadre de conversations anodines, qu'on repère de petites phrases qui en disent long...

    RépondreSupprimer
  8. beaucoup d'émotion à la lecture de ton texte, de ton histoire, car ce ne sont pas que mots... mais en tout cas ils résonnent en moi...
    sarah

    RépondreSupprimer