vendredi 7 janvier 2011

Surrannée...

Surrannée...


Ne me dites pas que ça ne vous tente pas


Ma lutine et sa première fois là-bas, entre méres et filles


la brioche chaude



J'aimerais être à Bayonne.



Il y a sous les arceaux, une petite chocolaterie, qu'on appelait quand j'avais 15 ans un "Salon de thé".



Quand j'étais une petite lycéenne timide,avec mes nattes, mes grands yeux verts qui regardaient mais osaient rarement, ma longue cape bleue, je m'y réfugiais après les cours.



Je n'étais pas de celles qui prenaient un café à côté du lycée les yeux dans les yeux avec un terminale C.



Secrète, introvertie, rougissant sans cesse, maladivement, je quittais le lycée pour sauter dans la voiture de ma mère.



A cette époque elle était tout pour moi.



Je n'étais pas sans amies. J'étais sans amis.



Ce n'est pas la période de ma vie que j'affectionne le plus.



Je me sens plus jeune aujourd'hui qu'à cette période insipide et linéaire.



Mais j'aimerais quand même être à Bayonne à mon âge et à l'heure qu'il est.



Petit havre d'un autre temps....



Boiseries blanches, vitrines impeccables, derrière lesquelles on voit l'après midi, la bonne bourgeoisie bayonnaise, un peu vieillotte, et surtout féminine, succomber au délicieux péché de gourmandise.






Tables blanches, nappes blanches, porcelaine blanche, tabliers blancs pour les serveuses. Et des miroirs sur tous les murs, où se reflète à l'infini, ce petit théatre surrané.



On entre et se mélangent, les senteurs de Mitsouko, de poudre de riz, d'orange confite, de chocolat qui cuit doucement, de brioche chaude.



Assise derrière la caisse, une castafiore sourit, j'ai toujours imaginé qu'elle ne bougeait jamais de son siège. Je ne l'ai jamais vue faire autre chose que de rendre la monnaie, ouvrir et fermer sa caisse.



Elle donne aussi, si on va les lui demander, LA clef des cabinets(comme le dit ma mère), comme si elle vous confiait les clefs du paradis.Même aller aux toilettes vous amuse eet vous charme. Il faut sortir dans la rue, passer la grande porte de bois attenante, longer le couloir, et gravir les marches d'un vrai escalier basque. Large. Bois noir. Rampe sur laquelle on ferait bien une belle glissade tant elle brille de cire et d'huile de coude. C'était simplement pour faire pipi, mais je n'ai jamais raté cette visite là. Même si j'étais morte de honte à l'idée de devoir traverser la salle au milieu de tout ce monde. Elle faisait aussi partie de mon plaisir d'aller "chez Cazenave".



J'ai rarement vu boire du café dans cet endroit-là.



On y va pour les oranges pressées.



On y va pour le thé corsé, ou au lait.



On y va pour le chocolat. LE Chocolat de CHEZ Cazenave.



Les plaques viennent de la boutique voisine, Chez Daranatz. Chocolat à cuire. Carrés noirs et lait entier. Qui fondent lentement sa leur chaleur liquide. Ils se mélangent àla cuillère en bois et au fouet. On les verse fumants dans le pichet, parfois des morceaux de chocolat fondu, viennent avec le liquide. Et c'est le divin cadeau. On le porte sur un plateau argenté recouvert d'un carré de lin blanc. Devant la tasse s'alignent, la coupelle de crème chantilly aérienne, les deux triangles de brioche chaude beurrée, tartinée de gelée de groseilles du jardin de la maison de campagne d'Itxassou. Un grand verre d'eau fraîche n'est pas à négliger à déguster à petites gorgées comme un souffle d'air frais passager. Il ne reste jamais de chocolat au fond du pichet, ni de crème dans la coupelle, ni de miettes de brioche pas plus d'eau que une goutte de jus d'orange. Les vieilles dames dignes, les jeunes filles timides, les mamans polies, se transforment toutes en gourmandes incorrigibles et mal élevées. On racle la cuillère au fond de sa tasse et de sa coupelle, on pique les miettes qui traînent sur le carré de lin, on écrase le petit morceau de gelée rouge avec son doigt et on le porte à la bouche, comme un dernier plaisir, on lève son verre d'eau ou de jus d'orange pour déguster le calice jusqu'à la douce lie... Et les yeux brillent d'enfance.



On payait cher je me souviens ce moment de bonheur. Un privilège sûrement de petite fille gâtée.



Durant ces années-là je pleurais parfois le soir de ne jamais aller au café du lycée.



On m'appelait "la figure de mode", pas parce que j'étais une fashion-victim, seulement parce que la seule chose que j'osais, c'était ne pas m'habiller comme les autres. Je ne savais exprimer le grain de folie venu de la nébuleuse du coquelicot qui dormait en moi, que de cette manière-là. Et aussi avec mes dissertations ou mes devoirs de philo. Rien d'autre, ne transparaissait de ma personnalité. J'étais comme une énigme insoluble, une planète inatteignable tant elle semble loin.



J'aimerais être à Bayonne aujourd'hui que j'ai rajeuni, entrer chez Cazenave avec ma tribu colorée et bruyante, mais leur apprendre à respecter ce sanctuaire de la bonne bourgeoisie comme on visite un musée.

4 commentaires:

  1. j'aimerai bien connaître ces lieux... merci pour le partage

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  2. Pas difficile c'es à Bayonne comme je te le dis ailleurs.A ne surtour pas rater. Ma fille y est allée pour la première fois avec ma soeur pendant nos dernières vacances dans le Landes et ça m'a foutu un coup au moral d'avoir raté ça. Je vendrais mon corps pour ce chocolat..

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  3. je regrette tellement, mais ce n'était pas prévu et tu ne voulais vraiment pas venir à Bayonne ce jour-là (j'aurai dû insister davantage) on est passées devant toutes les 3, et là, je n'ai pas pu résister. Les filles ne voulaient pas, elles trouvaient que c'était une folie, que c'était trop cher, mais je ne pouvais pas faire autrement, je voulais absolument voir si tout était pareil... et tout était pareil, même le goût du chocolat, de la crème et du pain briochée. C'était magique... mais je m'en voulais d'être là, avec ta fille, et sans toi...

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  4. Il ne manquerait plus que je vous en veuille. STOP CUBABILITY AUTO FLAGELLATION !!! C'estbien que les filles aient découvert ça. Au mois d'aout si je viens, si tu viens, si, si, si... Je rêve d'une après-midi à Bayonne depuis longtemps.

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