dimanche 30 janvier 2011

Je veux voir le printemps

On finit par oublier. On finit par s’oublier. On s’en tient à un strict minimum. On se contente de laisser passer les heures. On ne se lève pas pour ne pas sentir le froid. Sous deux couettes il fait chaud. On se colle à son bouquin, on se colle à son ordi portable, on va dans les vies des autres. On se plonge dans un film idiot. On sait que sortir, c’est dépenser le peu qu’on a ou qu’on n’a pas, d’ailleurs. Aller chez les amis, c’est prendre sa voiture, ou payer un billet de tram, c’est arriver avec une bouteille ou un gâteau. Mais pas seulement soi-même. Téléphoner c’est dépenser ses unités. Une promenade en ville finit toujours à l’abri d’un café. Un café c’est quelques pièces qui manqueront peut-être pour le petit dej de la lutine un matin.
Alors on reste là et on laisse passer les heures. On se lave un peu à l’eau glacée, vite fait ; le minimum aussi parce que c’est tellement dur l’eau glacée. On branche sa radio ou sa télé pour ne pas rester dans le silence total. Et ce qu’on se force à oublier c’est la faim. Parfois elle se signale comme un truc qui traverse l’estomac, on sent qu’il est là et qu’il est vide. Je crois que le mien est devenu plus petit depuis quelques semaines. Il réclame moins. Et s’il s’emplit il ne supporte plus le surplus. Il rejette sans autre forme de procès. Le peu devient lourd. Le peu ballonne et pèse comme du plomb. Durant cette quinzaine sans les tdc, il n’y a pas eu un repas. Pas un seul. Juste trois invitations d’amis. Et je suis sortie repue. Lourde. Trop lourde. La digestion est lente, paresseuse, fatigante. C’est drôle ! Je mange, et j’y ai plaisir. Je déguste, et je veux finir l’assiette que l’on m’a donnée. Mais finir c’est trop maintenant. Le midi, dans la cuisine avec mes narkeotrikants de collègues, je fais bonne figure et je mange. Mais là aussi c’est trop. J’ai fini par là aussi, me contenter d’un thé, d’un potage lyophilisé, d’un fruit, ou d’un yaourt. Je ne pourrais pas dire que c’est difficile. C’est bizarre tout simplement. Parfois, un verre d’eau, parfois, un thé chaud sucré, une petite tombée de coquillettes, ça suffit. On repart un peu réchauffé, un peu empli à nouveau. Ce n’est pas si important après tout ! Tout reviendra un jour comme avant, j’y crois, je veux le croire. C’est ma vie de maintenant c’est tout. Ma quinzaine seule doit être sans aucune fantaisie, car la suivante avec les tdc doit approcher du normal. Demain j’irai faire un petit chariot de course. Et je serai fière d’avoir serré mon estomac pour nourrir mes enfants. Je serai heureuse de réussir à leur donner ce dont ils ont besoin. Ce ne sera pas extraordinaire, mais ils mangeront tous les jours. Demain soir il y aura du beurre et du lait, des pâtes, des tartines et du jus d’orange et aussi du coca.


Etre parent c’est aussi porter seul la responsabilité de ses actes et de ses bêtises et surtout essayer d’épargner ses enfants. Je suis seule à devoir le faire.

Je ne me sens pas pauvre. Je me sens en difficulté, je me sens parfois démunie et en danger. Mais pauvre non. Car ma force intérieure est ma richesse, ma volonté de passer outre la faim et le froid, me font être là encore.

6 commentaires:

  1. je ne sais comment te mettre en garde d'un danger dont je te sens en péril : l'anorexie. C'est aussi une drogue, c'est aussi une dépendance (je le fus 10 ans)

    RépondreSupprimer
  2. Si tu me voyais tu saurais que j'en suis loin.

    RépondreSupprimer
  3. Je suis comme Annie, je sens poindre le contrôle et l'anorexie est une forme de controle sur sa faim, ses angoisses, méli ne fait pas l'idiote pour toi, tu le mérites et pour tes enfants...

    RépondreSupprimer
  4. Bon, je ne crois pas mais je sens qu'il se passe quelque chose que j'ai un peu de mal à maîtriser... Je vais être vigileante, promis. Mes tdc sont arrivés, j'ai mangé avec eux, un peu de potage et de la tarte à l'oignon que je leur avais préparés. C'est un peu lourd, mais ça fait du bien. Quand ils sont avec moi, tout passe mieux. Merci de vos inquiétudes.

    RépondreSupprimer
  5. par définition une anorexie se voit toujours grosse
    anecdote : j'ai fait une rechute de 6 mois vers 53 ans, 40 kg pour 167 cm, je me voyais pas. Il a fallu que quelqu'un s'exclame et me dise : regardes tes fesses, tes hanches, etc...

    oui c'est le contrôle, en plus ça excite le cerveau

    RépondreSupprimer
  6. Mon ex mari a été anorexique pendant plusieurs année. Je ne le voyais pas, il a fallu qu'on m'ouvre les yeux. Je vais faire attention promis.

    RépondreSupprimer