samedi 8 janvier 2011

Discriminations, anecdotiques et ordinaires ?

Quelle place ai-je faite à ce jeune garçon, mon nounours chamallow ?




Dans cette France où l’on peut tout dire sans être inquiété, puisque même dans les plus hautes sphères de la république, on pardonne tout, où un dérapage s’il est verbal (dixit LleP. dans l’un de ses récents discours, rajoutant qu’il n’avait dérapé que 4 fois dans sa carrière politique) devient une anecdote dans un bilan de carrière. Dans cette France dirigé, que dis-je régentée, par un despote méprisant, fielleux et affublé de tics nerveux, incapable d’employer la négation dans une phrase, grossier, illettré et qui est censé nous représenter ? (Je refuse d’être représentée par cet homme et par aucun de ses sbires. )



Dans cette France où l’on laisse tout passer. Où un Jean-Paul Guerlain, peut dire qu’il travaille comme un nègre, et que…on connait le reste de la phrase, je ne peux même pas l’écrire…Et où la journaliste sourit, sidérée peut-être mais sourit.

Dans cette France où, soeurette courage me le racontait elle a entendu sur une radio hier : « "....j'en ai marre, mon mec en ce moment, il se la joue à l'africaine, il ne se lave pas....." et ou le journaliste répond mollement : "on va zapper cette partie de ta phrase...".

Ah non moi je ne la zappe pas cette phrase.

Car comme j’en ai l’habitude, je regarde les choses par le petit bout de la lorgnette. Avec le vécu que je connais, le ressenti. Avec « l’anecdotique ». Comme ici, je raconte la vraie souffrance d’une famille face aux difficultés financières, en reflet ou en réalisation concrète, terme employé en fac quand nous allions sur le terrain dans le cadre du cours de psycho-sociologie, des discours politiques. A cette époque, je faisais équipe avec une amie, qui excellait en cours, qui pigeait tout à Bourdieu and Co, qui se tapait toujours les 16 en dissert. Mais quand il fallait passer au sujet, à la rue, à l’enquête, elle restait muette et je prenais le relais. Je ne sais ce qu’elle est devenue, sociologue peut-être… Pendant ce temps, on dira que j’applique, j’expérimente, je vis la chose à fond.

Et si je raconte certaines « anecdotes » ici, c’est en écho au discours politique, qui comme son nom l’indique discourt.

On dit xénophobie, on dit ségrégation, on dit racisme, on dit discrimination. On le dit, on le dénonce, certains s’en étonnent. Et je m’étonne de l’étonnement. Parce que la ségrégation, la xénophobie, le racisme, la discrimination sont une réalité, un VECU.

Je me souviens que jeune couple en mal d’enfant, nous avons mon ex et moi fait le parcours des candidats à l’adoption. Un jour une question nous fut posée. En France, à la l’ASE, au 20 siècle. « Accepteriez-vous d’adopter un enfant différent ou à problèmes ? » Nous répondîmes que oui en demandant quelle pouvait être la différence ou le problème. On nous parla d’enfants séropositifs, aveugles, cardiaques, mais aussi d’enfants étrangers. Pour la maladie, nous étions un peu réticents, car nous n’étions pas certains d’être capables de gérer les problèmes de santé. En tout cas pas pour une première adoptions que nous avions envie de vivre comme une joie et un bonheur sans ombre. Pour les enfants étrangers, nous ne considérions pas cela comme un problème. On nous indiqua donc qu’il y avait un degré dans le problème. Enfants étrangers blancs, puis enfants étrangers asiatiques, puis enfants étrangers, amérindiens, puis magrébins, puis métis noirs, puis enfin noirs. Magnifique, la vie est magnifique et l’on peut ainsi graduer sa capacité à aimer en fonction de la coloration de la peau ! Et quand nous avons exprimé notre désir de ne pas graduer ni choisir, il nous a été dit que cela irait plus vite pour nous car nous « risquions d’avoir un petit noir » puisque nous ne le refusions pas et qu ’il y a si peu de volontaires… Et à chaque rendez-vous la question nous fut posée au cas où nous aurions réfléchi.

Ainsi, notre première enfant était d’un père sénégalais et d’une mère bordelaise. Et nous fûmes heureux. Notre second enfant venait de Bamako, et fût donc noir ébène, un vrai Bambara et nous fûmes heureux. Pour la troisième tout se fit sans questions puisque la réalisation était maison et nous sommes basco-landais, donc elle fût basco-landaise et nous fûmes heureux.

Nous fûmes donc heureux. Cette famille multicolore nous remplissait de bonheur. Nous étions forts de cet amour de nos enfants. On nous regardait avec curiosité quand nous nous présentions un peu partout.

Mais ce que nous dûmes apprendre à faire, c’est à nous comporter face à l’ignorance, la connerie et la peur de la différence. Je pourrais en écrire, des pages pour faire l’inventaire des phrases à la con !

Mais ce que je sais c’est que ma gazelle et mon nounours en ont certainement entendu dix foix plus que nous. Pur la gazelle je crois pouvoir dire que ce fût moins violent. Elle est métis, fille magnifique, et a en plus un caractère qui n’invite pas à la moindre insulte. Je dus juste mettre les choses au point avec la maîtresse de CP qui traitait la gazelle de menteuse car elle disait qu’elle était née à Bordeaux. Ben oui bronzée comme ça elle ne pouvait être née que dans une case africaine.

Mais dès la maternelle le parcours du nounours chamallow se sema d’embûches. J’avais déjà du à la crèche préciser que non ce n’était pas parce qu’il était cannibale qu’il avait mordu une petite fille. Que non sa voix grave, si grave n’était pas due à une différence de corde vocales chez les noirs (ben oui, louis Armstrong…). Je tombais d’un peu plus haut à chaque fois que j’entendais une nouvelle connerie ! Fallait-il en rire, en pleurer ?

A son entrée en classe maternelle, le nounours ne resta que trois mois puisque la maîtresse (école publique), avait décrété qu’il était un futur délinquant, que personne ne l’aimait, j’en passe et des pires. C’est ainsi qu’il prit le chemin d’une école privée parallèle ou tout se passa finalement sans encombres. Je pense qu’en l’occurrence le parallèle aida plus que le privé. Puis après le divorce nous reprîmes le chemin du public rural. Ce furent 5 ans, où je dus des dizaines de fois intervenir pour rectifier le tir. Parfois les mots sortaient. Le nounours se lavait plus que de raison. Il m’expliqua que c’était parce qu’on l’appelait « caca » qu’on lui disait que noir c’est sale et que ça pue. Il avait 6 ou 7 ans. J’ai toujours été à côté de lui tout ce temps là. Je n’ai rien laissé passer. J’ai forcé les portes de la mairie pour débouler dans le bureau du maire, un soir d’hiver où le nounours avait réagi à une insulte et où il avait été puni pour avoir provoqué une bagarre. J’ai interrogé une assistante de la garderie, qui avait dit au nounours qu’il était un méchant noir, et exigé de connaître les raisons de ses mots. J’ai exigé les excuses d’un vigile et d’une caissière dans un grand magasin, « La foirfouille » pour le nommer, pour avoir suivi, et voulu fouiller mon nounours car quelques semaines auparavant un noir était venu et avait volé quelque chose.

Dans ces moments, je suis noire en moi. Dans ces moments, j’ai le sang d’une mère africaine.

Et que dire de ce me racontait ma cousine mariée à un camerounaise qui un jour rentre dans une boulangerie et sursaute à la vue d’une chien, et une cliente de lui dire « N’ayez pas peur, il n’est pas comme chez vous, il ne va pas vous manger… »

Alors quand je vois ce qui se passe ici, ce qui se pense et se dit ici, j’ai peur de voir grandir mon nounours et de savoir qu’il commence à sortir la nuit avec ses amis. Et je sais que je ne peux plus le protéger de tout ça et qu’il fera sa vie avec ça.

1 commentaire:

  1. Ton nounours sera se défendre, il a commencé tout petit et puis il a ton amour, c'est une belle arme...

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