jeudi 9 décembre 2010

Quand la méli regarde vers le ciel et sourit

Raconter encore des moments, finalement en me disant que peu importe que ça dégouline de ma vie.
Raconter ce moment hallucinant il y a quelques jours. Les zados étaient chez leur père. Mais on était samedi et je devais aller chercher la lutine et l’emmener à la répet de théâtre comme tous, tous les samedis. Tous, tous parce que son père est contre ce théâtre qui est trop loin de chez lui, et qui l’obligerait à prendre sa voiture, et à faire pas plus de dix kilomètres pour les loisirs de sa fille. Alors je dois assumer toutes les répétitions, que les zados soient avec moi ou pas. Et si je ne suis empêchée il refuse de l’emmener une seule fois. Il ex comme ça l’ex con jusqu’aux poils les plus intimes, con par tous les temps, et dans toutes les situations bien aidé par sa chère poupée Barbie conne et aussi méchante.
Alors ce samedi matin-là, je me suis levée tôt pour aller chercher la lutine. Tôt car la jauge d’essence était dans le rouge depuis deux jours. J’ai fait 1,50 euros de sans plomb, pour pouvoir arriver devant chez mon ex, car je n’avais pas plus que ça. La lutine et moi on est heureuse de se retrouver, elle attend ces samedis avec impatience, ça lui fait une pause dans la quinzaine.
J’avais calculé que nous poserions la voiture au premier arrêt de tram croisé, car il me restait un ticket 5 voyages, trouvé dans un fond de tiroir. J’avais pris mon bouquin du moment et chargé mon téléphone car les répet sont de 11 heure à 13 heures et il faut tuer le temps sans euros. Je m’installe dans un coin de l’entrée du théâtre, je bouquine, je joue sur mon téléphone.
Je peux donc raconter que ce samedi-là, entre deux jeux, je calculais ce qu’il restait dans le fond de mon placard. Je ne parcenais pas à me concentrer sur mon livre. Trop soucieuse. Un peu de riz, un peu de pâtes, une petite réserve de lentilles. Où allais-je racler et racler encore ? Il me restait aussi deux ou trois pommes de terre, et un tout petit peu de beurre. J’adore les pommes à l’eau avec beurre et gros sel. Alors j’ai recommencé mon jeu…
13 heures nous sortons du cours de la lutine, et rejoignons le tram sous le soleil. A l’aller, j’avais essayé de cacher à la lutine que je lorgnais toutes les poubelles et le trottoir, me disant que je pourrais trouver quelques chose de pas trop sale jeté et que je pourrais venir récupérer pendant le cours. Sur une poubelle il y avait une belle tarte à la compote de pomme dans un emballage un peu abimé, même pas entamée, et j’ai dit à la lutine : « C’est nul de jeter des choses comme ça ». Elle m’a regardée bizarrement. Je n’ai pas osé aller récupérer la tarte, je crois que la lutine aurait été choquée.
Nous marchons donc toutes les deux en discutant. Il me faut trois secondes pour voir ce cabas au milieu du trottoir. Je continue de parler à la lutine, et nous passons au-dessus du cabas. Sur le haut du cabas gonflé, je vois un poulet à rôtir. Quelques pas plus loin je demande à la lutine si elle a vu. Oui elle a vu. Elle me demande si je vais le faire et je réponds que ou je vais reculer et ramasser le cabas. Je ne réfléchis pas, fais 5 pas en arrière, me baisse et ramasse le cabas au milieu du trottoir. Où sont ma fierté mon sens du partage et de l’autre ???? Je ne sais pas j’ai faim. La lutine est effrayée de ce que je fais elle regarde partout si on nous a vues. J’ai pris le cabas dans mes bras, comme un bébé, je le porte sur moi. Et je ris…
C’est seulement en rentrant dans le tram, que j’ouvre le cabas. Deux poulets, 4 faux-filets, deux tournedos charolais, un jarret, des tripes à la mode de Caen, du surimi. Tout ça. Tout ça pour moi comme ça. J’ai ri longtemps. J’ai regardé le ciel moi qui ne crois en rien, comme pour dire merci. Je crois que la lutine était soulagée de me voir rire, de penser que j’avais de la viande à manger pour plusieurs jours.
En arrivant à la maison, j’ai coupé un peu de viande pour le chat et je lui ai donné le surimi. J’ai fait cuire mes deux pommes de terre et le tournedos. Il était si bon avec les pommes de terre du gros sel et un peu de beurre. J’étais heureuse. Je me demande bien quelle est la dernière fois que j’ai mangé du tournedos. Je ne sais vraiment pas. C’est vraiment bon le tournedos. Ce soir, je vais manger la deuxième tranche, car j’avais mis dans le congélateur du boulot, ce que je ne consommerai pas dans la semaine. Il me reste encore un poulet.
J’ai un peu pensé à cette personne qui avait oublié ses courses de viande de la semaine. Elle ne le sait pas mais elle m’a sauvée un peu. J’avais mal d’en arriver là. J’ai pensé qu’un jour quand tout irait mieux je remplirai le cabas et j’irai le reposer au même endroit. Avec un mot pour dire merci. Je me fous de savoir si c’est la bonne personne qui le trouvera, mais il pourra sauver quelqu’un un peu aussi.

2 commentaires:

  1. Chacun avons un vécu différent de la pauvreté. Quand je suis "tombée", c'était en 1999, j'avais 57 ans… et mon fils ne m'a plus jamais parlé depuis…
    je suis vivante, retraitée pauvre à vie, descendu de classe sociale… mais debout et heureuse de vivre.
    je le raconte sur mon blog par petit morceau

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