J’ai dormi longtemps. Je
m’éveille comme la Belle au bois dormant de cent ans de sommeil… Depuis de
longues longues années, j’avais oublié les petits matins calmes et silencieux.
J’avais oublié la fraîcheur du jour qui se lève. J’avais perdu le goût de thé
pris en silence quand toute la famille dort encore, malgré l’odeur des tartines
de pains qui grillent. Depuis si longtemps je me perdais dans des grasses
matinées éreintantes. Sans la conscience de ce qu’elles représentaient
vraiment. Depuis si longtemps mes nuits n’en finissaient plus. Enroulée dans ma
couette, je n’ouvrais les yeux que pour les refermer et m’endormir à nouveau–souvent
à moitié. Vers midi, la matinée terminée, je me levais enfin, plus fatiguée que
la veille. Je savais que la moitié de la journée était déjà derrière moi. Je
sais que j’avais économisé un repas, que j’avais fui le vide de ma vie pendant
au moins quelques heures, fui la peur du lendemain, la peur de idées les plus
sombres. J’avais fini par ne plus en avoir la conscience. Parfois, souvent
même, après un petit repas vite avalé, j’ai fini par aimer faire de longues
sieste l’après-midi, devant la télévision allumée sur des émissions sans queue
ni tête. Parfois, j’arrivais à me plonger dans d’autres vies, celles des
romans, celles des bloggueurs, celles qui me faisaient oublier mon existence.
J’ai dormi pour fuir, pour ne pas voir le temps qui passe.
Ecrire m’a sauvé l’esprit.
Ecrire m’a permis de dire, en évitant de savoir qui me lisait, de dire une
douleur immense. De faire sortir de moi une souffrance, peut-être parfois avec
beaucoup d’impudeur. J’avais décidé que c’était ce qui me sauverait.
Je n’étais pas malade. Juste
mal. Juste pauvre. Juste sans deux sous dessus.
J’aurais voulu me dire que l’argent
ne fait pas le bonheur, car non il ne le fait pas. J’aurais voulu avoir assez
de grandeur d’âme et d’esprit pour l’accepter. En même temps il n’était plus
question de bonheur, mais juste de vie. L’argent non, ne fait pas le bonheur,
mais qui sait la terreur de voir son enfant tomber malade, avoir faim, en se
disant qu’on a les poches vides, ultra vide et que manger et se soigner, ce
minimum vital, passe forcément par la case payer ??? Seul peut le
comprendre celui qui l’a vécu. L’autre celui qui ne l’a as vécu, peut l’entendre,
mais ne pourra jamais imaginer, quelle panique intérieure, quel désespoir,
quelle envie de faire des conneries cela provoque. Celui qui ne l’a pas vécu ne
peut souvent même pas l’imaginer. Et c’est tant mieux pour lui.
Ici et maintenant, tout est
terminée de cette période. Il y aura la cicatrice. Longtemps.
Pierrot de la lune et Mamamia,
avaient une maison. Elle est vendue. Enfin. C’est toute une histoire. Je ne me
sens pas prête à en parler ici. Je ne m’y autorise pas. Peut-être la honte que
finalement, ma vie va changer, juste grâce à ça. Il a suffi de ça, pour que je
recommence à me réveiller le matin quand le jour se lève à peine.
Pour qu’après trois ou quatre matins, où j’ai
posé mes pieds nus sur le carrelage, et où j’ai laissé ma journée s’installer
sans la fuir, je réalise que quelque chose était différent… Juste parce que j’ai
pu aller acheter du beurre frais, de la confiture, du bon pain frais et du thé
avec un vrai goût de thé, et que j’allais pouvoir les déguster en silence en me
demandant ce que j’allais faire de ma journée.
Juste parce que devant mes
tartines, je me dis que je vais pouvoir prendre le bus, ou ma voiture et aller
flâner dans la ville, prendre un verre en terrasse, m’acheter un crayon et un
carnet, sans me demander ce que je devrais sacrifier chez lidl en faisant mes
courses de bouffe, en échange de cette folie. Juste parce que je sais que mes
enfants n’auront plus faim et que désormais, je peux leur assurer une certaine
sécurité.
Tout cela relève d’un
matérialisme affligeant certainement. C’est la réalité.
C’est en tout cas ce qui fait
que depuis quelques semaines mes enfants me voient sourire un peu plus, que
quand ils se lèvent le matin, quelques heures après moi, j’ai déjà eu le temps
de faire un tas de choses et que le courage m’est revenu. Mon esprit, plus
léger et détendu, peut entendre plus facilement leurs soucis à eux et trouver
les mots pour les aider.
Je me suis battue longtemps et sans concession. Je n’ai
cédé à aucune pression. A aucune tentation folle non plus. Mais jamais, jamais
je n’oublierai ces dernières années.