Ce matin, le printemps est venu me chatouiller les narines.
Il arrivera peut-être à faire fuir l’humeur morose de ces
dernières semaines.
Je suis vraiment et réellement fatiguée de cette vie qui
n’en est plus une.
On a beau dire et me dire que « faut pas s’attacher à
cette société de surconsommation », que le fric, tout ça ça vaut rien… Et
autres balivernes, on a beau dire, en tout cas le jour où tu sais que tu ne
pourras te servir de tons alaire que pour acheter un peu à bouffer et encore
pas tout le mois, et aussi mettre un minimum d’essence dans ta bagnole juste
pour pouvoir aller bosser, ce jour là, dis moi si le pognon c’est pas important
et autre baliverne.
Le jour où tu sais que ton gosse en bave et qu’il aurait
besoin d’un peu de fric et que toi-même t’as juste assez pour ta bouffe, ben
tant pis, tu racles dans le fond de ton sac et tu lui files tes pièces quand
même. Et tu te dis, je sais pas comment sera ma semaine, mais je me
débrouillerai toujours.
Ne plus pouvoir s’offrir aucun plaisir, sans se demander si
ce n’était pas une erreur. Regarder un magazine, une fleur, un cd, et se
persuader qu’on en a pas besoin. Parce qu’il est vrai qu’on n’en a pas besoin
pour vivre.
La semaine dernière j’étais devant un distributeur avec ma
carte, pour retirer et aller faire mon marché. A côté une femme mendiait. J’ai
fouillé dans mes poches et lui ai donné un euro. Puis j’ai voulu retirer vingt
petits euros pour moi, et aller boire un café avec frérot. Mais, déjà, le loyer
était passé et je n’avais plus le droit de jouer avec ma carte. Je suis allée
acheter mes trois carottes, deux aubergines et je suis rentrée sans avoir bu le
café, avec des larmes plein la tête. Et l’envie de hurler que j’en avais plein
le cul.
Cette semaine la Caf m’a donné mes 60 euros mensuels. J’ai
pu faire mon petit tour au marché, le cœur plus léger. Je me suis accordée un
peu de beurre frais à la motte et même un morceau de Brie. Je savais que ce
n’était pas raisonnable, parce que le beurre en plaque de lidl est dix fois
moins cher et c’est du beurre aussi.
Et comme il faisait beau, et que la lutine était avec moi,
et que c’était presque le printemps, on a bu un petit verre en terrasse au
soleil. J’ai même accordé à la lutine qui le réclame depuis longtemps un magret
frite.
Quand tu es dans la merde, ton cerveau se transforme en
calculatrice et à chaque petit plaisir tu comptes combien il te restera ou
combien il ne te restera pas.
Le moment de plaisir au soleil en terrasse, aura couté
trente euros. Un putain de magret servi sans le sourire, pas super bon, 22
euros. Ca donne pas envie de revenir. Et ça fait réfléchir, aux petites patates
nouvelles qu’on aurait pu acheter, et au magret qu’on aurait pu préparer pour
dix euros.
Mais j’ai fait plaisir à la lutine, j’ai passé un bon moment
avec frérot. Alors tant pis.
Je voudrais être libérée de cette chaîne là.
Pour mes enfants mais aussi pour moi parce que j’y ai droit,
aussi.
On ne raconte pas ce genre de choses. On les cache. Parce qu’on
a honte d’en être arrivé à cette situation. Parce qu’on sait très bien que les
gens en face, pensent que forcément si on en est là c’est qu’on se débrouille
mal. Mais s’ils savaient à quel point c’est usant. Et que même si on a déconné
un jour, on le paie le prix fort, et pour très longtemps.
Courage, j'espère que vous verrez bientôt la fin du tunnel.
RépondreSupprimerProfitons des rayons de soleil qui restent gratuits.
Je vous envoie mon amitié.
t'inquiète, on emmerde les gens d'en face !
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