Mamie Blanche avait adoptée une philosophie qu’elle avait tenté de transmettre à sa fille. Mamamia, elle, comme toute fille qui se respecte avait rejeté le précepte inculqué. Et pour une fois je la rejoins. L’expression était la suivante : « Résigne-toi ma fille ! ». Mamie Blanche l’employait à tout bout de chant quand sa fille se plaignait des absences et des sorties incessantes de Pierrot de la lune. Mamie Blanche avait épousé un rugbyman aux yeux bleus océan, à l’allure sportive, l’autorité redoutable, le tempérament disait-on volage. Il pouvait entrer dans des colères terribles, tant au bureau qu’il dirigeait qu’avec ses enfants. Avec Mamie Blanche il pouvait bouder des jours et des jours sans lui adresser un seul mot. Alors, mamie avait appris à se résigner. Et son couple a duré une soixantaine d’années. Lorsque Mamamia a trouvé le rugbyman à l’œil bleu, et qu’elle l’a épousé, elle a donc pris le chemin des épouses qui passent en quatrième position après le ballon ovale, les copains de troisième mi-temps, le métier. Alors ces épouses-là occupées à élever les 3 ou 4 enfants de l’homme, deviennent des mères totalement dévouées au bonheur de leurs enfants.
Mamamia ayant décidé de ne pas se résigner, les retours de Pierrot de la Lune, le dimanche soir d’après matchs, se transformaient en soirées de disputes mémorables. A l’heure où il rentrait, souvent le cerveau embué par les quelques Pastis bus, il n’était pas très fort pour les joutes verbales. Nous assistions, nous les quatre enfants, les cheveux encore humide de la douche juste prise, les pyjamas tout frais enfilés, devant notre potage au vermicelle, silencieux et inquiets, au spectacle de l’épouse qui ne se résigne pas.
Il en entendait des vertes et des pas mûres Pierrot de la Lune, sur lui et ses amis piliers de bar. Il n’avait pas la force de répliquer et écoutait, stoïque. Puis il filait dans son bureau, coucher sur le papier les mots qu’ils n’avait pas pu dire. Au bout d’un moment, il avait puisé dans sa bibliothèque quelque roman aimé, et s’endormait dessus. Il ronflait. La soirée était finie pour lui. Leur couple a duré 40 ans.
Mamamia nous couchait. Elle son expression c’était « Pipi, la prière et au lit ». Je faisais des prières pour demander au Bon Dieu de réconcilier mes parents…. Puis moi aussi, je me plongeais dans un livre et m’endormais.
Quand moi-même j’ai rencontré LE rugbyman, il n’avait pas l’œil bleu des deux précédents, ni l’autorité, ni rien de rien en commun avec eux. Sauf le ballon ovale… Tout s’est passé bien différemment. Je ne suis pas de la génération de la résignation, ni de celle des scènes de ménages devant les enfants en pyjama. Ni des prières au Bon Dieu. Notre couple a duré 20 ans et c’était très très long. J’ai assumé ma part d’erreur. Et j’ai refusé de me résigner avec un homme qui ne m’apportait rien e que je n’aimais pas. Alors je l’ai dit. No regrets. No remords.
Alors cet après-midi quand encore une fois, le nounours m’a demandé pourquoi nous avions divorcé, je lui ai dit que c’était parce que je m’ennuyais avec son père. Et que la vie n’est pas faite pour ça.
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